SHAN SHUI / D’ Edurne Rubio et Maria Jerez / Pour le Befestival de Birmingham

Shan Shui est une performance en ligne basée sur A Nublo, le spectacle qu’Edurne Rubio et Maria Jerez devaient présenter dans le cadre du BE FESTIVAL de Birmingham.

Il y aura deux autres représentations le samedi 16 mai ; il est possible de réserver des tickets pour le festival.

On a connu Edurne Rubio et Maria Jerez au théâtre. On a eu la chance de voir leurs performances, leurs pièces, leurs expérimentations dans des volumes offrant une bonne acoustique, avec des conditions techniques permettant de ciseler la lumière afin de mettre l’attention sur l’infiniment petit ou au contraire l’infiniment grand. Aujourd’hui, bien loin de ces cathédrales noires et cubiques que sont les salles de spectacle, bien loin du charme solennel qui y règne d’habitude, nous sommes invités dans notre domicile – des milliers de fois arpentés depuis le lock-down, à participer à un live-stream. 

Avachie dans mon canapé, la mise débraillée, exposée à d’autres flux que celui sur lequel il me faudrait à présent me concentrer, je pénètre un nouvel intérieur. Par l’intermédiaire de mon ordinateur, une femme m’accueille. Ça n’est pas un enregistrement, car je vois qu’elle a du mal à fixer son regard longtemps sur quelque chose ; elle se sait observée. Assise sur un grand fauteuil pivotant, elle a des allures de capitaine de space-ship. Après un temps, je finis par comprendre qu’il s’agit d’une des organisatrices du Befestival de Birmingham. Le sérieux qu’elle dégage m’impose directement un respect qui m’empêche de me disperser vers d’autres fenêtres.

Continuer la lecture « SHAN SHUI / D’ Edurne Rubio et Maria Jerez / Pour le Befestival de Birmingham »

Réverbérations d’une lecture

Une lumière au cœur de la nuit : le lustre, de l’intime à la scène

Georges Banu, Paris, Editions Arléa, coll. « Littérature française », 2020, 128 p., ISBN : 9782363082169

En 2009, Georges Banu faisait paraître Des murs… au Mur aux Editions Gründ. En 2015, La Porte, au cœur de l’intime, aux Editions Arléa. Cette dernière maison a offert à l’auteur une nouvelle opportunité d’écrire un de ces textes situés un peu à la marge de ses publications habituelles, généralement consacrées au théâtre (pour ne citer que les plus récentes : Shakespeare, Le monde est une scène, Gallimard, 2009 ; Le Voyage du comédien, Gallimard, 2012 ; Amour et désamour du théâtre, Actes Sud, 2013 ; Le Théâtre ou le défi de l’inaccompli, Les Solitaires Intempestifs, 2016 ; Le Théâtre de Anton Tchekhov, Ides et Calendes, 2016). Le théâtre inspire inévitablement de nombreuses pages du volume, qui s’attaque cette fois à la mythologie – au sens que Barthes attribue à ce terme – du lustre. Il occupe néanmoins une place à peine plus importante que l’art, et tous deux sont pris dans un flux qui relève plus largement de la vie, qui permet au critique de passer « du salon à la scène, du privé au public ».

Des murs aux portes, des portes aux lustres, Georges Banu trace un itinéraire qui mène dans des lieux de plus en plus intimes. Dans la continuité de ses précédents essais, il commence d’ailleurs par distinguer les différents types de lumières qui strient la nuit, avant d’avouer qu’il s’invite parfois en pensée chez les personnes dont il voit le lustre rayonner depuis la rue. Cette fois, l’auteur pousse néanmoins la porte qu’il s’était efforcé de déchiffrer auparavant, et franchit le seuil qui sépare l’extérieur de l’intérieur.

Continuer la lecture « Réverbérations d’une lecture »

Peter Brook – Shakespeare résonance par George Banu

A propos de Shakespeare résonance – Recherche autour de « La Tempête », du 19 au 21 février 2020 au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris.

Shakespeare résonance, c’est ce par quoi l’inattendu est arrivé ! Le dispositif est unique, mais également dangereux ! Un grand homme de théâtre, Peter Brook, proche de son 95ème anniversaire, fait retour dans son lieu, le théâtre des Bouffes du Nord dont, dit –il, « les murs en ruine, en silence, ont résonné en lui dès sa première entrée »! Il nous convie non pas à un dernier spectacle, selon la coutume, non, il l’accompagne et témoigne à la première personne : en ce sens les trois soirées furent pour nous tous comme des rencontres où l’humain le disputait à l’art, ou, plus exactement, ils faisaient corps commun au nom d’une affection jamais contrariée pour Shakespeare, dieu anonyme du théâtre. L’inédit de la proposition surprend, mais bien davantage elle émeut.

Continuer la lecture « Peter Brook – Shakespeare résonance par George Banu »

Je désire donc je suis

Le spectacle Celle que vous croyez (de Camille Laurens, adaptation de Jessica Gazon), présenté au Théâtre du Rideau à Bruxelles du 14/01 au 01/02/20.

Le virtuel a profondément changé notre rapport au monde . Pour le pire et le meilleur. Les fake news  ont précipité le brexit anglais et assuré l’élection de Donald Trump. Les réseaux sociaux ont aussi permis comme une traînée de poudre l’émergence et la belle solidarité des printemps arabes.

Dans le domaine de l’intime, on peut se dire je t’aime d’un bout à l’autre de la planète comme on peut poster sur internet des images pornographiques qui détruisent une vie et poussent au suicide.

La question du vrai et du faux qui hante depuis la nuit des temps la conscience des femmes et des hommes  en philosophie, en politique comme dans les rapports familiaux et amoureux est aussi au coeur de la création artistique. Je suis en mensonge qui dit toujours la vérité comme l’ écrivait Cocteau.

Continuer la lecture « Je désire donc je suis »

Fluff – Emmilou Rößling au Beursschouwburg le 31 janvier 2020

Comment dire la douceur d’une plume ? C’est en cette question en apparence triviale que Fluff, le nouveau seule-en-scène de la jeune artiste Berlinoise Emmilou Rößling, trouve son élan et sa profonde vitalité.

Présenté le 31 janvier 2020 dans la Goudenzaal du Beursschouwburg de Bruxelles dans le cadre du Bâtard festival, cet objet chorégraphique surprenant et énigmatique voit son auteure déployer un microcosme autonome et sculptural avec, tour à tour, la précision désenchantée d’une travailleuse à la chaîne, la dévotion d’une vestale, la candeur d’une enfant. Continuer la lecture « Fluff – Emmilou Rößling au Beursschouwburg le 31 janvier 2020 »

Strange fruit / La p. respectueuse et irrespectueuse

m-e-s de Philippe Sireuil / Théâtre des Martyrs du 28 janvier au 15 février 2020

On sait l’importance que Philippe Sireuil accorde à mettre en scène les grands textes du répertoire (Shakespeare, Racine, Molière, Marivaux Tchekhov, Strindberg…) et à défendre les auteurs contemporains (Duras, Koltès, Lagarce, Myniana, Harrower, Louvet…) sans oublier le long compagnonnage qui le lie à Jean-Marie Piemme.

Comme il le rappelle régulièrement, à la différence de nombreux metteurs en scène aujourd’hui qui s’attachent à conjuguer théâtre et réalité au travers d’enquêtes, de témoignages, d’interviews, il se positionne pour un théâtre qui au travers de la fiction, du récit n’a de cesse d’interroger le réel dans sa complexité et ses contradictions.

Continuer la lecture « Strange fruit / La p. respectueuse et irrespectueuse »

Monument 0.8 : Manifestations

Eszter Salamon
Kaaitheater 17 et 18 janvier 2020

Le théâtre politique est un exercice périlleux. Pourtant Eszter Salamon, en nous parlant de l’histoire marginalisée du féminisme en Roumanie, a produit un spectacle extraordinaire. Sur scène, cinq femmes, dont une au physique et à l’âme de torera, altière et sublime de profondeur contenue. Une autre plus jeune semble une jeune louve pleine de rage, et toutes les cinq sont magnifiques de force et de présence. Continuer la lecture « Monument 0.8 : Manifestations »

Oh les beaux jours

Samuel Beckett – Michael Delaunoy

Même sans l’avoir vue en scène, pour beaucoup d’entre nous, Oh les beaux jours a marqué l’imaginaire collectif du théâtre par l’image de Madeleine Renaud souriante tenant son ombrelle, enfouie jusqu’à la taille dans un tas de sable.

Aujourd’hui, grâce à la mise en scène de Michael Delaunoy, c’est la performance d’Anne Claire dans la célèbre pièce de Samuel Beckett qui sera gravée dans nos mémoires. Continuer la lecture « Oh les beaux jours »

La gioia – La joie

de Pippo Delbono

Dans son dernier spectacle, La joie, Pippo Delbono poursuit l’aventure de sa troupe à l’allure fellinienne, hommes et femmes, fracassés de la vie mais qui ont décidé de l’affronter avec une dignité déchirante. Continuer la lecture « La gioia – La joie »

Élisabeth Bam

« Dans la petite maison là-haut sur la colline une lumière déjà veille. Les souris tordent et retordent leurs moustaches. Et sur le poêle, dans sa chemise à col garance, Cafard Cafardovitch est assis, une hache à la main. »

Si l’on convient que l’œuvre de Daniil Harms représente une pointe extrême des écritures poétiques et dramatiques, sorte de Terre de Feu qu’abordent seuls les rêveurs et les intransigeants, artistes de la scène qui ne concèdent rien aux modes des temps, on ne s’étonne guère de voir Claude Merlin s’emparer d’Élisabeth Bam[1], après Alexis Forestier qui avait monté la pièce en 2007[2]. Continuer la lecture « Élisabeth Bam »