À propos d’OSCaR, projet d’économie circulaire appliqué aux décors d’opéra

Pour en savoir plus sur l’opéra et l’écologie(s), découvrez notre publication d’octobre 2021 !

http://www.alternativestheatrales.be/catalogue/revue/144-145

L’idée initiale d’OSCaR[1] est née fin 2016. Quand on songe à l’accélération opérée par le champ culturel depuis deux ans sur les questions de soutenabilité, cinq années paraissent une éternité. Il nous aura fallu deux ans pour réunir un consortium et concevoir le projet. Pensé comme un projet d’innovation, OSCaR a réuni des profils d’acteurs très divers. Trois opéras, représentés par leurs ateliers de décors : Lyon, Göteborg et Tunis. Et quatre organismes experts : la Cité du design (Saint-Etienne), la Chaire UNESCO sur le changement climatique et l’analyse du cycle de vie (ESCI-UPF, Barcelone), le CIRIDD – Centre international de ressources et d’innovation sur le développement durable (Saint-Étienne), et AdMaS, centre de recherche sur les matériaux et l’ingénierie civile (Brno). Il a été cofinancé par le programme Europe créative de la Commission européenne.

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Le cercle de la violence. Baby Doll, portrait de réfugiées

Propos recueillis par Leyli Daryoush

À l’opéra, en raison du livret, je ne suis pas libre d’écrire l’histoire qui me traverse. Baby Doll[1]est une commande de l’Orchestre de chambre de Paris pour la 250ème année de la naissance de Beethoven. Le choix d’une symphonie du compositeur m’a été accordé et j’ai proposé la 7ème pour en faire une sorte d’opéra pour notre temps.

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Cimetière marin, fantômes de l’Occident. Le Vaisseau du bout du monde d’Àlex Ollé

Créée à l’Opéra de Lyon en octobre 2014, la mise en scène du Vaisseau fantôme par Àlex Ollé[1], cofondateur de la compagnie catalane La Fura dels Baus, est portée par une critique politique et sociale trouvant sa synthèse dans une perspective écologique. Le metteur en scène trace avec ce spectacle une voie originale dans l’écocritique du capitalisme mondialisé – champ encore nouveau alors sur les scènes lyriques internationales – contribuant au renouvellement de l’approche de la nature dans le répertoire wagnérien.

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Réparer un territoire, imaginer de nouveaux récits Comment la question écologique travaille les maisons d’opéra

En avril dernier, l’Opéra de Lille a obtenu la certification internationale ISO 20121 qui atteste de ses bonnes pratiques en matière de développement durable : parmi ces pratiques certifiées figurent certes les dons de costumes et de décors déclassés, l’utilisation de matériaux réutilisables, le remplacement du parc des projecteurs par des LED, mais aussi l’engagement de la maison en faveur de la diversité et de l’égalité professionnelles, ses actions artistiques et culturelles, sa politique tarifaire ou encore son ancrage territorial. La variété de ces indicateurs est révélatrice du caractère transversal de la réflexion écologique aujourd’hui.

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Décors et matériaux. Impact environnemental, conception et fabrication, montage, conservation, déplacements, recyclage

Dialogue à plusieurs voix, réalisé par Caroline Godart et Sylvie Martin-Lahmani avec Agathe Chamboredon (La Monnaie, Bruxelles), Sophie Cornet (La Monnaie, Bruxelles), Véronique Fermé (Festival d’Aix-en-Provence), Philippe Sagnes (Opéra National de Lyon) et Valentina Bressan (Opéra national de Paris).

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Métamorphoses du chasseur chassé – Actéon, filmopéra

Actéon – l’histoire d’un homme transformé en bête, puni de sa curiosité, châtié à cause de son voyeurisme. Est-ce un chasseur habile, un voyeur lubrique, ou pourrait-il être considéré comme une métaphore de notre société, prise à son propre piège ? Ce mythe raconté par Ovide dans ses Métamorphose a été mis en musique par Marc-Antoine Charpentier en 1684 dans des circonstances très particulières.

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L’Inondation, de Francesco Filidei et Joël Pommerat, au prisme de l’écoféminisme.

J’ai vu L’Inondation lors des représentations de l’automne 2019 à l’Opéra Comique. Je ne suis pas du tout spécialiste de Pommerat mais j’admire son travail. Là encore, je suis saisie par la beauté, la clarté de la mise en scène, son intelligence, aussi. Toutefois, je suis gênée. Gênée en tant que femme à qui l’on présente des personnages féminins stéréotypés merveilleusement incarnés, et en tant que spectatrice de théâtre face à une œuvre qui joue sur l’effet de réel pour présenter ce qui arrive (les éléments de la fiction) comme inéluctable. Je sors du spectacle enchantée par la musique et comme piquée par un taon, fascinée, meurtrie et plombée. Revenir sur L’Inondation deux ans après, ayant pris connaissance de ce qu’il se passait chaque soir sur le plateau, et auparavant durant les répétitions, par l’une des actrices principales du drame, me jette dans un trouble profond.

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Aïda par Lotte de Beer : un espace cosmopolitique

Le compositeur romantique italien, Giuseppe Verdi (1813-1901) réalise l’opéra Aïda en 1871, à la suite du percement du canal de Suez, un événement aux enjeux économiques, politiques et environnementaux importants. Il a notamment permis de faciliter les transits de marchandises entre l’Europe et l’Asie, sans contourner l’Afrique[1]. Cette œuvre caractéristique d’une période impérialiste raconte l’histoire d’amour entre Radamès, capitaine égyptien et Aïda, esclave éthiopienne. Celui-ci devra commander les troupes égyptiennes dans la guerre contre l’Éthiopie dont certains habitants sont faits esclaves. L’histoire est marquée par des conflits et des relations de pouvoir entre les peuples africains, qui rappellent l’assujettissement des colonies de l’Europe du XIXe siècle.

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Hippolyte et Aricie – une histoire de nature et d’amour au temps du COVID-19

Hippolyte et Aricie, le premier opéra composé par Jean-Philippe Rameau, créé en 1733 en suscitant nombreuses réactions et la fameuse querelle entre des Lullystes et des Ramistes, c’est-à-dire entre les Anciens et les Modernes, a été préparé pendant près de deux ans pour être présenté sur la scène de l’Opéra-Comique pendant la saison 2020/2021. Néanmoins, malgré l’espoir longtemps maintenu, la deuxième vague du COVID-19 a presque empêché le public parisien de voir cette production. L’équipe artistique menée par la metteuse en scène Jeanne Candel et le chef d’orchestre Raphaël Pichon a fait une vaste recherche dramaturgique et musicale avant de commencer à envisager cette production, qui a finalement eu lieu dans le seul format possible alors – filmé dans la salle vide et diffusé sur le site officiel de l’Opéra-Comique et sur Arte Concert.

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Violetter Schnee : quelle apocalypse ?

À l’ouverture de Violetter Schnee (Neige violette), opéra du compositeur suisse Beat Furrer mis en scène par Claus Guth (sur un livret de Händl Klaus), les spectateurs découvrent, en lieu et place du cadre de scène, une sorte d’immense tableau noir, entouré d’un cadre luminescent. Les deux éléments principaux de la mise en scène sont ainsi d’ores et déjà présents : la peinture, l’apocalypse qui amène au « vide incommensurable[1] », et donc au noir. Puis, alors que monte de la fosse d’orchestre la musique du prologue, ce monochrome noir se colore peu à peu, se transformant en une peinture vert-de-gris évocatrice du tachisme d’un Morris Louis. À peine avons-nous eu le temps d’absorber cette première vision que le metteur en scène procède à une lente mise au point de l’image – en fait projetée sur un écran transparent en avant-scène – jusqu’à ce que qu’apparaisse finalement les Chasseurs sous la neige, tableau peint par Peter Brueghel l’Ancien en 1565 qui représente un village sous la neige lors d’un glacial après-midi de janvier. Ces deux images – le brouillard vert-de-gris et le tableau de Brueghel – sont des survivances de l’œuvre qui a inspiré l’opéra : le film Solaris du réalisateur russe Andreï Tarkovski. Beat Furrer explique ainsi lors d’une interview : « Nous sommes partis d’un seul plan du film Solaris d’Andreï Tarkovski : une vue de la planète inconnue, un brouillard qui se déplace lentement, une obscurité qui attire littéralement le spectateur[2]. » Et c’est bien ce que propose à chaque instant la mise en scène de Claus Guth : attirer les spectateurs dans un espace inconnu où la planéité de la peinture fusionne avec l’espace de la scène, et dans un temps inconnu où l’immobilité du tableau ralentit les mouvements des chanteurs. C’est dans cet espace-temps inconnu et nouveau que se déroule le drame apocalyptique du duo Sorokine-Händl[3].

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