Collectif Les compagnons pointent

Le collectif Les Compagnons pointent présente au théâtre des Martyrs L’histoire approximative mais néanmoins touchante et non-écourtée de Boby Lapointe, du 27 novembre au 14 décembre 2019.
Ils ont bien voulu répondre à nos questions dans le cadre d’une enquête sur la création en collectif.

Allan, Axel, Benoît, Valentin et Virgile ou l’Embompoint, le Point final, les Points de suspensions (ou Saoul-fifre), le Point de Vue et le Point-virgule. Cinq acteurs qui se sont d’abord réunis autour de l’oeuvre de Boby Lapointe pour aborder le théâtre de rue. Aujourd’hui, constitué en compagnie, le groupe expérimente la création collective, dans différentes formes scéniques, en rue comme en salle, et prend plaisir à “polychanter” les calembours de la vie.

Ils participent à notre table ronde le 7 décembre aux Martyrs!

Entretien réalisé à partir d’un questionnaire-type du comité de rédaction d’Alternatives théâtrales

Qu’est-ce que vous faites ensemble ?

On joue, enfin, on travaille. On fait du théâtre, des blagues, des dossiers, écrire, des voyages, des rencontres, des séances photos, des costumes, des décors. Au départ, des spectacles la rue, ensuite, par le hasard des choses, pour la salle aussi. On crée une autre manière de faire ces projets et de les penser.

Comment vous êtes-vous trouvés ?

Sans chercher. Une première partie du groupe s’est formée au conservatoire de Mons lors de nos études et l’autre partie un peu plus tard mais tous autour du premier projet fondateur « L’histoire approximative mais néanmoins touchante de Boby Lapointe » que nous appelons maintenant forme courte puisqu’une forme « non-écourtée » est créée depuis peu.

Que refusez-vous ? qu’affirmez-vous ?

Nous refusons d’assujettir une création aux délais de production attendus du secteur ou autrement dit, nous voulons bien donner du jus mais pas les pépins, et si nous ne sommes pas ensemble, nous n’avançons pas. Nous affirmons que chaque projet a besoin d’une méthodologie dédiée qui pourra être une expérimentation. Nous affirmons que créer prend du temps. Beaucoup de temps. Et que nous avons envie de le faire de sorte à ce que chacun se retrouve dans les processus et le travail que nous mettons en place. Nous tentons de cheminer et d’oeuvrer collégialement. Non pas par soucis d’épanouissement personnel mais bien par désir de faire du théâtre confraternellement. En acceptant à la fois les lois de la gravité et donc d’une certaine verticalité et en appréciant les joies des horizons et paysages nouveaux et donc de l’horizontalité. Nous avançons et procédons donc en oblique, dans le respect de chacun. On ne refuse pas grand-chose entre nous, ce qui fait que nos créations sont peut-être plus longues à voir le jour. Plus qu’affirmer ou refuser nous essayons. On a décidé à cinq de fonctionner comme cela, même si le « comme cela » est en perpétuelle modification et réflexion, mais c’est à peu près tout ce qu’on « affirme ».

Quels sont vos objectifs ?

Comme chaque soir Minus, tenter de conquérir le monde.

Explorer ensemble l’univers des méthodes de création collective. à chaque projet sa méthode et à chaque spectacle sa manière de la laisser transparaître. Continuer à mettre l’ouvrage sur le métier, penser et repenser notre façon de faire, de créer. Vivre (de) nos créations dans le plaisir, avec des amis/collègues avec qui on se sent bien et avec qui on peut se mettre en danger. Exercer notre métier et prendre du plaisir ensemble.

Comment travaillez-vous ?

A cinq ! Un maximum. Parfois au plateau, beaucoup à la table. C’est une excellente question à laquelle il est difficile de répondre tant la méthode s’invente en fonction des projets et est à géométrie variable. Pour ce qui est des moyens nous avons fondé notre association pour laquelle nous nous répartissons les tâches administratives de façon équitable même si pour des questions d’agendas certaines tâches peuvent se faire à 3 ou 4. . Pour ce qui est des processus artistique nous nous efforçons de ne pas nous assigner des rôles fixes auxquels nous serions obligés de nous tenir. Nous rebattons les cartes à chaque étape de la création et redistribuons les emplois. Par exemple, on peut passes d’acteur à regard extérieur sur le même projet en fonction des dates, des lieux et des disponibilités. Nous n’en sommes qu’à deux projets aboutis donc difficile ici de faire des conclusion mais nous venons d’en entamer deux nouveaux et on remarque que nous n’allons pas vers les mêmes méthodes que les précédents. Pour chacun des projets, nous créons (ou continuons de créer) une manière de fonctionner à cinq en même temps que de créer le projet en lui-même.

Comment se prend une décision ?

A  l’unanimité. En faisant des concessions. En discutant sans jamais chercher à convaincre et sans jamais procéder à un vote. Parfois les décisions prises sont à nouveau débattues plus tard dans la création mais nous sommes toujours à cinq autour de la table (ou du plateau). Cela prend énormément de temps. Mais en contrepartie, cela permet de donner une place aux avis et aux ressentis de chacun.

Quelle est la vie organique du groupe ? Qui entre, qui sort ? (comment se vit la fidélité)

Il y a un noyau de 5 personnes qui enserre amicalement ceux que nous invitons à collaborer avec nous. Pour ce qui est de la fidélité nous n’avons aucun protocole  précis là-dessus n’ayant jamais signé aucun contrat. En théâtre comme en amour tout est une question de consentement et de tact. Les cinq « compagnons » de départ sont toujours là et plus motivés que jamais. Nous nous sommes entourés de deux autres « points » (partie du surnom de chaque personne faisant partie des Compagnons Pointent asbl), ceux-ci nous ont aidé par le passé et nous rejoignent plus encore pour l’avenir. nous en sommes justement à un point où nous cherchons à intégrer d’autres membres et ce n’est pas simple. Nous ne souhaitons pas passer de cinq à sept à tous les endroits de travail du collectif mais plutôt enrichir le travail de plateau avec d’autres personnes qui ont d’autres acquis. Nous travaillons actuellement sur deux nouveaux projets qui visent à l’intégration de deux autres membres.

Chacun de son côté a d’autres projets et même d’autres compagnies mais nous tentons de nous voir au moins une fois par mois en dehors des périodes de création. Nous sommes fidèles au travail qui nous réunit. Pour le reste, chacun a son itinéraire.

Quelle est la durée de vie de cette association ?

Aussi longtemps que nous aurons envie de faire du théâtre et que nous parviendrons à discuter ensemble. Plus ou moins la durée de vie d’un homme en moyenne en Belgique: 79,5 ans (moyenne de 2018). On est tous des hommes, on sait c’est vraiment pas top…. On peut juste jurer qu’on l’a pas fait exprès, c’est venu comme ça. Quelle est la durée de vie d’une affinité ?

Quelle appellation/signature ? collectif, bande, groupe, troupe, ensemble…

Compagnons évidemment officiellement. Collectif administrativement. Est-ce qu’on sera tous d’accord là-dessus ? Pas sûr. Une bande ? Mais quand il s’agit de l’écriture dans des programmes ou des dossiers nous utilisations l’appellation collectif qui fait un peu plus sérieux. On s’appelle entre nous les compagnons, puisqu’on a tous plus ou moins habités la même maison lors de notre passage au conservatoire de Mons, rue des compagnons, tout simplement. Mais depuis 2016 on s’est aussi institutionnalisés en ASBL « Les compagnons pointent », on est donc chacun devenus pointus : Le point de vue, le point final, l’embompoint, le point de suspension (ou sous-fifre) et le point-virgule.

Quelles sont vos influences (théâtrales et non théâtrales ?)

Boby Lapointe. Les Monty Python. Remy Bricka. Django Edwards, Laurel et Hardy. Pierre Aucaigne. Elles sont aussi nombreuses que cinq personnes qui répondent pour eux mêmes à cette question.

Constatez-vous un retour du leader ?

On n’ouvre pas quand il vient frapper. Il aurait bien du mal à revenir puisqu’il n’a jamais vraiment été là. Chacun arrivant avec ses qualités et ses défauts dans la compagnie, certaines doses de « leaderisme » ont tendance à réapparaître parfois, c’est assez naturel. Surtout quand il s’agit de questions de production mais on essaie d’éviter cela en distribuant les tâches de différentes manières à chaque fois. Nous sommes sans cesse en questionnement et que notre but à tous est de tous s’occuper de tout, les choses se disent et évoluent tout doucement. Surtout quand il s’agit de questions de production mais on essaie d’éviter cela en distribuant les tâches de différentes manières à chaque fois.

Y-a-t-il une dimension politique à votre démarche collective, un projet politique à affirmer et défendre ?

Peut-être, de loin. Penser au groupe et à son intérêt avant soi-même. Nous faisons du théâtre, pas campagne. Si il y a une dimension politique elle s’exprime dans notre praxis mais nous n’avons jamais écrit un manifeste là-dessus. On tente (ce) quelque chose d’abord pour nous même parce qu’on sent que peut-être cela peut être chouette comme ça aussi.

Y-a-t-il une menace à travailler ensemble ?

Une menace ? Pour le moment à part avoir du plaisir à le faire, on ne voit pas. La menace que ça marche. Et puis si ça ne marche pas, le chemin aura été drôle et enrichissant pour chacun. La menace de ne plus vouloir travailler ensemble. De temps en temps, à l’instar d’un vieux couple, les manies de chacun passent alternativement du statut de irritant à réconfortant.

à découvrir dans le numéro 139 d'Alternatives Théâtrales : NOS ALTERNATIVES
 
http://theatre-martyrs.be/spectacles/lhistoire-approximative-mais-neanmoins-touchante-et-non-ecourtee-de-boby-lapointe/

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