Un paysage / Stifters Dinge, de Heiner Goebbels (2007)

Ce texte a été initialement été publié en 2008 dans le n° 98 d’Alternatives théâtrales (« Créer et transmettre »). Nous le reprenons ici dans le cadre des extensions numériques du n° 149 (juillet 2023) de la revue : « Théâtre/Paysage ».

Deux techniciens répandent successivement, à l’aide d’un tamis, une poudre blanche sur la surface des trois bassins rectangulaires qui s’offrent à nos yeux, l’un derrière l’autre, au début du spectacle ; puis ils disposent trois tuyaux plastiques par lesquels s’écoulera l’eau qui la dissoudra peu à peu. Ce sera la seule intervention humaine qui nous sera donnée à voir dans Stifters Dinge. Au fond, une masse encore comme sans relief se distingue : un collage de pianos, en tous sens, cordes à nu, d’où émergent comme d’une montagne des branches d’arbres. « Une œuvre pour piano sans pianiste mais avec cinq pianos, une pièce de théâtre sans acteur, une performance sans performer – un non one-man show ou peu importe la dénomination qu’on choisira »[1] : installation ou composition pour pianos mécaniques, sons, eau, lumières et autres chosesStifters Dinge (« Les choses de Stifter ») présente un paysage dont l’homme se serait absenté.

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Entretien avec Mohammad Yaghubi, un écrivain devant l’État iranien

Mohammad Yaghubi, c.f. note en bas de l’article (1)

Alternatives théâtrales a publié un numéro spécial consacré à la riche scène iranienne : Lettres persanes et scènes d’Iran, N° 132, 2017, avec un focus sur 5 auteurs importants de  la littérature dramatique contemporaine dont Mohammad Yaghubi fait partie.

François Chabanais : Le théâtre, la politique et la religion, pourquoi ces trois éléments sont-ils inséparables en Iran ?

Mohammad Yaghubi : Parce que la fonction du théâtre consiste à éclairer et à dire la vérité. Le théâtre se fonde sur la rhétorique et la philosophie et il a pour tâche d’analyser la situation et de jeter la lumière sur l’obscurité. Mais la politique et la religion veulent que les gens soient ignorants et soumis. Le théâtre invite les gens au doute et à l’interrogation alors que la politique et la religion les invitent au consentement, à la soumission et l’imitation. Pour cette raison ils ne sont pas séparables.

F.CH : On dirait que les artistes iraniens doivent aborder prudemment les questions religieuses et politiques dans leurs pièces de théâtre, alors que dans certains pays on critique dans les pièces de théâtre les différentes religions et même les hommes d’État, leurs actions et les effets qu’ils produisent sur la société.

M. Y : Les artistes iraniens n’ont pas d’autre solution. Les extrémistes religieux et politiques s’opposent avec violence à tout théâtre qui veut porter un regard critique sur les questions religieuses et politiques. Il est aujourd’hui prouvé et admis que la violence résulte de la peur. Celui qui se comporte avec violence craint quelque chose. Et pour cacher sa peur, il commence à agir avec violence. Il craint que la vérité ne soit divulguée et que les gens en soient informés. Beaucoup de gens souffrent toujours d’une ignorance historique.

Une Minute de Silence. 2016_Canada, metteur en scene Mohamad Yaghubi_Source des photos_Archive personnelle de Mohamad Yaghubi
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Discours des matières et des éléments dans l’œuvre de Phia Ménard

À l’occasion de la présence de Phia Ménard dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles, à la Maison des Arts de Schaerbeek / Huis der Kunsten van Schaarbeek, Bruxelles, les 7 et 8 septembre 2020, avec Contes Immoraux – Partie 1 : Maison Mère, nous publions en ligne un article du N° 138 d’Alternatives théâtrales : Arts de la scène et arts plastiques, oct. 2019.

Eau, vent, terre et ciel. Phia Ménard fait feu de tout bois. Dans des créations inclassables qui organisent la présence du corps dans un espace semé d’embûches, la jongleuse et metteuse en scène dompte les matières et joue avec les éléments. Depuis 2008, elle crée des pièces transdisciplinaires avec la farouche intention de repousser les limites habituelles de la scène. Sans doute guidée par l’adage «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme», elle a baptisé sa compagnie Non nova : Non nova, sed nove. (Nous n’inventons rien, nous le voyons différemment).

À la manière de Bachelard1, Phia Ménard se joue des Éléments.

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Hommage à Michel Piccoli.

Le 12 mai 2020, Michel Piccoli nous quitte à l’âge de 94 ans, Alternatives Théâtrales lui rend hommage en publiant un entretien qui lui a été consacré en 1991.

Fièvre et légèreté – Entretien avec Michel Piccoli – mené par Georges Banu en 1991 et publié dans la revue #44 d’Alternatives Théâtrales – Théâtre et vérité.

Ça ira (1) Fin de Louis, un tournant dans l’œuvre de Joël Pommerat ? Marion BOUDIER

A l’occasion de la reprise de Ça ira (1) Fin de Louis, au Théâtre de la Porte Saint-Martin, à Paris, jusqu’au 28 juillet 2019, nous publions cet extrait d’un texte de Marion Boudier paru dans le numéro 130 d’Alternatives théâtrales : Ancrage dans le réel / Théâtre National (Bruxelles) 2004-2017, suivi d’un dossier consacré à Joël Pommerat, oct. 2016.

Fiction politique inspirée d’une matière historique apparemment dénuée de l’inquiétante étrangeté qui caractérisait jusqu’ici les spectacles de la Compagnie Louis Brouillard, Ça ira (1) Fin de Louis pourrait laisser penser à une rupture dans le parcours de Joël Pommerat. Sans entrer ici dans les débats interprétatifs qu’elle suscite, j’aimerais souligner la singularité de certains choix dramaturgiques tout en montrant comment cette nouvelle création s’inscrit dans une continuité de questionnements esthétiques et thématiques. Par rapport aux grands cycles de l’œuvre (les premières pièces énigmatiques, riches en expérimentations spatio-temporelles, le tournant de la trilogie Au monde, D’une seule main, Les Marchands (2004-2006) plus engagée dans la réalité sociale, et la « bascule » de Cercles/Fictions (2010) qui accentue une veine d’écriture réaliste et humoristique débutée en 2008 avec Je tremble (1 et 2) et Pinocchio), Ça ira (1) Fin de Louis continue en effet de donner forme aux préoccupations qui sont à l’origine même du geste théâtral de Pommerat pour qui « le théâtre est un lieu possible d’interrogation et d’expérience de l’humain […] un lieu de possibles, et de remises en question de ce qui nous semble acquis[1] ». Ce spectacle approfondit sa réflexion sur les individus et leurs représentations (individuelles et collectives) et prolonge la recherche d’un théâtre à la fois spectaculaire et concret, proche du public dont il doit « rouvrir la perception[2] ». Continuer la lecture « Ça ira (1) Fin de Louis, un tournant dans l’œuvre de Joël Pommerat ? Marion BOUDIER »

Peau et incarnation, des impensés politiques de la scène contemporaine

A l’occasion de la table ronde sur le thème de la diversité dans le spectacle, organisée par « Pôle Emploi audiovisuel spectacle artistes » le 6 juin 2019 au Théâtre des Champs-Elyzées à Paris, nous publions un extrait du texte de Sylvie Chalaye, paru dans le numéro 133 d’Alternatives théâtrales en novembre 2017 : Quelle diversité culturelle sur les scènes européennes ?

La circulation de la phrase dans les nerfs

Le Kung-fu[1], un spectacle écrit et joué par Dieudonné Niangouna nous amène à réfléchir avec humour au phénomène d’identification qui dépasse toutes les frontières physiques et qui participe du plaisir à se raconter des histoires. Niangouna se projette dans Bruce Lee ou Jackie Chan, mais énumère aussi des dizaines de ses héros sans jamais faire référence à la couleur de peau : Continuer la lecture « Peau et incarnation, des impensés politiques de la scène contemporaine »

Sur la ligne rouge

Notes sur « Des Arbres à abattre », mise en scène de Krystian Lupa (texte publié dans le #128 d’Alternatives théâtrales).

Avec Wyncinka / Des Arbres à abattre, créé en 2014 à Wroclaw et qui a marqué le Festival d’Avignon 2015, Krystian Lupa retrouve l’écriture de Thomas Bernhard : auteur fétiche avec lequel il dialogue régulièrement depuis main- tenant un quart de siècle¹, par la mise en scène de ses pièces de théâtre mais aussi, et peut-être plus encore, par l’adaptation de ses textes romanesques. Continuer la lecture « Sur la ligne rouge »

Instantanés de l’intérieur

À propos de « Joël Pommerat – Le théâtre comme absolu » film documentaire de Blandine Armand

À l’occasion de la reprise de « Ça ira (1) Fin de Louis », au Centquatre-Paris du 16 au 20/07/18 (Festival Paris l’été) et de la sortie du film documentaire de Blandine Armand, « Joël Pommerat – Le théâtre comme absolu » (diffusion sur ARTE le 15 juillet 2018 à 23h50), nous vous proposons de lire ou relire cet extrait d’un Verbatim de répétitions publié dans le # 130 d’Alternatives théâtrales, « Ancrage dans le réel / Théâtre National (2004-2017)».

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Entretien avec Myriam Saduis

À l’occasion de la reprise d’« Amor Mundi » au Théâtre des Martyrs (Bruxelles) jusqu’au 26 mai, nous publions un extrait d’un entretien de Sabine Dacalor avec Myriam Saduis paru dans le #129 (2016).

La metteuse en scène et auteure Myriam Saduis adapte, en 2012, La Mouette de Tchekhov et signe La Nostalgie de l’avenir qui lui vaut le prix de la mise en scène aux Prix de la Critique en Belgique. Dans cette adaptation où s’entrecroisent Meyerhold, Fernando Pessoa, Philip Roth, Shakespeare, six comédiens engagent sur le plateau une énergie éclatante et une sensibilité aiguës pour le récit tragique d’une impossibilité d’aimer. En 2015, avec sa compagnie Défilé, Myriam Saduis crée, en coproduction avec le Théâtre 95 à Cergy-Pontoise (Scène conventionnée aux écritures contemporaines) et le Théâtre Océan Nord à Bruxelles, Amor Mundi. Sur le plateau s’écrit l’histoire d’une nuit new-yorkaise durant laquelle Hannah Arendt fête avec ses proches la publication de son livre Les Origines du totalitarisme, l’histoire d’une pensée en devenir, en action, en partage. Continuer la lecture « Entretien avec Myriam Saduis »