L’art de surtitrer : voyages en langues étrangères

Jadis, il y a bien longtemps, on prenait le temps de lire la pièce dans sa traduction avant de se rendre au théâtre ou à l’opéra pour assister à sa mise en scène en langue originale.

Aujourd’hui, les surtitres sont là pour nous donner la « substantifique moëlle » d’un texte, en direct et en synchrone avec les acteurs sur scène. Quelle magnifique invention ! Quel luxe pour le spectateur, assis confortablement, qui n’a plus qu’à lever les yeux pour comprendre la signification d’une tirade en langue inconnue.
Les premiers surtitres ont été lancés à la Canadian Opera Company de Toronto pour Elektra de Richard Strauss, le 21 janvier 1983. Ils étaient alors affichés au moyen d’un projecteur à diapositives.

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Du théâtre dans une Grèce en crise

Nancy Delhalle invite Athéna Stourna.

Peut-être nous habituons-nous à vivre « dans la crise », peut-être en entendons-nous parler jour après jour, peut-être nous désolons-nous de ses effets, peut-être nous en consolons-nous, peut-être la crise s’est-elle installée au cœur de notre quotidien, peut-être est-elle devenue « normale », peut-être attendons-nous qu’elle passe, peut-être cherchons-nous des thérapies…  Mal ? Accident ? Ou alors, un mode de gestion : « la gestion par la crise comme levier de changement » ? Un témoignage de Grèce, par Athéna Stourna, vient nourrir la question.

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L’Intruse

« L’Intruse » de Maurice Maeterlinck, mis en scène par Emmanuel Texeraud

Monter une pièce de Maurice Maeterlinck constitue toujours un défi dramaturgique. Comment la réforme théâtrale « symboliste » qu’il entreprend à la fin du 19e siècle, inspirée entres autres par la théorie de la surmarionnette de Kleist, se décline-t-elle au début du 21e ? On se rappelle la proposition géniale de Denis Marleau avec Les Aveugles en 2002¹, « fantasmagorie technologique » projetant le visage des acteurs sur le moulage de leurs traits, suspendus dans l’espace, ou plus récemment, en 2014, l’émouvante version japonaise d’Intérieur par Claude Régy, toute en lenteur et recueillement…

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Décris-Ravage

« Un spectacle documentaire consacré à la Question de Palestine » d’Adeline Rosenstein

« Reste la volonté de comprendre. Or démêler puis refaire le nœud de “ce qui a bien pu se passer pour qu’on en arrive là” exige de la patience. Dans le cas du conflit israélo-palestinien, le nœud est gros de plus de cent ans. Il faut à chaque étape du travail, pas seulement en public, mais aussi entre nous et face aux personnes qui nous livrent courageusement leur témoignage, éviter les mots qui agacent, éviter les termes qui découragent, les ironies qui sèment la confusion, les raccourcis qui tendent au lieu de délier. Après vingt ans d’indignation virulente, j’ai dû trouver autre chose. »
Adeline Rosenstein

Ce sont quatre épisodes de « Décris-Ravage » que l’on a pu voir jusqu’ici, encore tout récemment à L’Échangeur à Bagnolet dans le cadre de « Fabrique des regards : Europe et Moyen-Orient » ; les cinquième et sixième épisodes seront créés ces semaines-ci, complétant le spectacle pour sa présentation complète à La Balsamine en avril prochain. Enfin.

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« Nous ne sommes plus le Teatro Valle Occupato. Qui sommes-nous ? »

Rencontre avec Fausto Paravidino, auteur, acteur et metteur en scène de « La Boucherie de Job », spectacle en tournée, créé pendant l’occupation du Teatro Valle (du 14 juin 2011 au 10 août 2014), théâtre historique de Rome. Entretien réalisé le 19 janvier 2016 à Paris.

Comment l’occupation du Teatro Valle a-t-elle commencé ?

Le théâtre était fermé depuis trois mois. L’ETI (Ente Teatrale Italiano) dont il dépendait n’existant plus, il est devenu propriété de l’État, avec l’option d’être repris par la mairie de Rome. L’occupation devait durer juste trois jours, en signe de protestation contre l’état d’abandon de la culture en Italie, pour réagir à l’absence de mobilisation à la fin de l’ETI et pour éviter la privatisation du théâtre. Comme nous n’avions pas de réponse concrète sur son devenir, nous y sommes restés et avons continué les débats avec de plus en plus de monde impliqué. Cela se passait juste après le non au référendum de 2011 sur la privatisation de l’eau. Il y avait un mouvement très important autour de la notion de biens communs, ces biens qui appartiennent à la nature, qui ne sont ni privés ni publics, comme l’air, l’eau… la culture peut-être.

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Les mondes enfouis de Lisbeth Gruwez

À propos de « Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan »

Une piste noire luisante et une danseuse en chemise blanche. Un homme assis à une console qui passe des disques. C’est le dispositif de « Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan », spectacle présenté au KVS à Bruxelles, il y a quelques semaines. Au premier abord, la configuration est sans mystère : lui (le musicien et compositeur Maarten Van Cauwenberghe) est dos à nous, juché sur un petit tabouret devant ses platines, il fume, boit une bière, nonchalamment ; elle (la chorégraphe et danseuse Lisbeth Gruwez), réceptionne chaque nouveau morceau de musique par une nouvelle partition dansée. Tous les deux écoutent la musique de Bob Dylan et la savourent, chacun à leur manière. On passe d’un album à l’autre. Pas de mix : chaque piste est jouée de bout en bout. Et entre chaque chanson, résonnent simplement le silence, la respiration de la danseuse et la complicité tacite des deux artistes. C’est là que la puissance du spectacle nous envahit peu à peu : pas d’artifices, pas de grands effets, pas de commentaires – si ce ne sont les quelques mots jetés parfois par la danseuse à son partenaire, comme pour prendre la température de l’air ou partager le plaisir d’entendre ce son-là.

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Microteatro

Avant son arrivée à Paris, retour sur l’expérience madrilène du « Microteatro »

Fondé à Madrid il y cinq ans, sous les auspices de la crise financière, le Microteatro-Madrid est né dans une ancienne maison close madrilène. « Micro » parce qu’il s’adresse à un petit groupe de personnes à la fois, parce que chacune des pièces de courte durée est jouée dans un espace minuscule, le Microteatro répond à la macro-ambition de s’adresser à des publics nombreux et variés en leur offrant une proposition théâtrale originale. Parce qu’ils n’ont pas voulu se résigner à la décroissance culturelle comme seule réponse au déficit économique, les fondateurs à l’esprit libertaire ont imaginé ce concept artistique et culturel en dehors des réseaux subventionnés. Leur rêve de démocratisation culturelle ayant fait ses preuves en Espagne, ils ont décidé de développer un projet similaire dans l’hexagone. Le Microteatro-Paris doit voir le jour en 2016. Continuer la lecture « Microteatro »

Un banquet royal

À propos de « Reflets d’un banquet » mis en scène par Pauline d’Ollone au Théâtre de la Vie (Bruxelles, décembre 2015)

Quoi de mieux pour terminer l’année 2015 que d’assister au Banquet de Platon, au si bien nommé Théâtre de la Vie, tous deux (texte et espace) revisités par Pauline d’Ollone et six comédiens fabuleux.

Remémorons-nous ce texte alors que nous essayons péniblement de nous remettre de notre gueule de bois post-réveillon et de manière à débuter l’année par de bonnes résolutions : relire nos classiques fondateurs, en particulier grecs.

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Lire ou relire les « Lettres à un jeune poète »

Bernard Debroux, fondateur d’Alternatives théâtrales, a relu Rainer Maria Rilke.

Il n’est qu’une seule voie. Entrez en vous-même…  Rilke
Entre 1903 et 1908 , Reiner Maria Rilke écrivit dix lettres¹ en réponse à Franz Kappas qui lui demandait de réagir à ces premiers poèmes.

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