La Convivialité, valeur ajoutée

Quand on connait la grammaire critique (et iconoclaste !) de Marc Wilmet, éminent linguiste, qui a donné sans conteste l’un des cours les plus intéressants du cursus en Langues et littératures romanes de l’ULB (Université Libre de Bruxelles), on ne peut rater La Convivialité, spectacle dont le visuel est un marteau, à l’image des règles orthographiques martelées depuis la tendre enfance (Viens mon chou, mon bijou, mon joujou, sur mes genoux, et jette des cailloux…). Continuer la lecture « La Convivialité, valeur ajoutée »

Un pacte secret pour douze écervelés

Troisième volet du texte « Mythiques mystiques » publié dans le n°129 « Scènes de femmes – Écrire et créer au féminin » (parution le 11 juillet)

« Chaque année, en France, 216 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur ancien ou actuel partenaire intime (mari, concubin, pacsé, petit-ami…). Il s’agit d’une estimation minimale. En 2014, le nombre total de femmes tuées dans le cadre de violences au sein du couple s’élève à 134. » (source : Ministère des droits des femmes / stop-violences-femmes.gouv.fr)

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Mais qu’est-ce que c’est ?

À propos de « Fruits of labor », Miet Warlop, création kunstenfestivaldesarts 2016

Miet Warlop est une artiste qui travaille à la croisée du théâtre et des arts plastiques. Dans Mystery Magnet, elle construisait une fresque progressive au gré des matières et de ses propres interprètes. Elle nous revient avec une performance qui tient à la fois du concert pop-rock et de l’installation vivante. Un parallélépipède blanc occupe le centre et y reçoit autant les banderilles mortelles du torero qu’il sert de support à un étrange Christ en croix… Pendant ce temps, les percussions développent leur propre concert, les plafonds dégoulinent et les performeurs alternent entre guitares et batteries pour finir en un délirant cover band ! Pulsé, chatoyant, voyage dans un délire pas si fou qu’il n’en a l’air…

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De la positivité du désastre

À propos de « Time’s journey through a room » de Toshiki Okada au Kunstenfestivaldesarts

En 2011 et 2013, j’ai manqué les trois dernières présentations de Toshiki Okada au Kunstenfestivaldesarts (« The Sonic Life of a Giant Tortoise » et « We are the Undamaged Others » en 2011, « Ground and floor » en 2013). En 2010, excellent cru du festival bruxellois, j’avais assisté à une représentation de « Hot Pepper, Air Conditioner, and the Farewell Speech ». À l’époque, peu enthousiaste, j’en avais écrit ceci sur le blog de Bela qui m’hébergeait alors : Continuer la lecture « De la positivité du désastre »

Marco Pantani, parole d’honneur

À propos de « Pantani » du Teatro delle Albe 

Marco Pantani. Ce nom vous dit peut-être quelque chose. C’était le nom d’un champion de cyclisme. Moi-même, qui ne suis pas spécialement fan de vélo, j’en avais entendu parler.

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Entre greffes et réécritures tchekhoviennes

Thomas Ostermeier s’est imposé comme l’artiste à même de ramener à la modernité les pièces d’Ibsen auxquelles il a fait subir un traitement particulier, aussi bien au niveau du traitement scénique que textuel. Pour La Mouette dont il vient d’y avoir la première au Théâtre Vidy – Lausanne, il opte pour un procédé similaire sans qu’il trouve, à mon avis, une même pertinence. Il intègre les références les plus immédiates de notre actualité –  la Syrie, les migrants – en opérant des insertions qui visent, évidemment, à rapprocher l’oeuvre du contexte contemporain. Continuer la lecture « Entre greffes et réécritures tchekhoviennes »

L’Intruse

« L’Intruse » de Maurice Maeterlinck, mis en scène par Emmanuel Texeraud

Monter une pièce de Maurice Maeterlinck constitue toujours un défi dramaturgique. Comment la réforme théâtrale « symboliste » qu’il entreprend à la fin du 19e siècle, inspirée entres autres par la théorie de la surmarionnette de Kleist, se décline-t-elle au début du 21e ? On se rappelle la proposition géniale de Denis Marleau avec Les Aveugles en 2002¹, « fantasmagorie technologique » projetant le visage des acteurs sur le moulage de leurs traits, suspendus dans l’espace, ou plus récemment, en 2014, l’émouvante version japonaise d’Intérieur par Claude Régy, toute en lenteur et recueillement…

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Décris-Ravage

« Un spectacle documentaire consacré à la Question de Palestine » d’Adeline Rosenstein

« Reste la volonté de comprendre. Or démêler puis refaire le nœud de “ce qui a bien pu se passer pour qu’on en arrive là” exige de la patience. Dans le cas du conflit israélo-palestinien, le nœud est gros de plus de cent ans. Il faut à chaque étape du travail, pas seulement en public, mais aussi entre nous et face aux personnes qui nous livrent courageusement leur témoignage, éviter les mots qui agacent, éviter les termes qui découragent, les ironies qui sèment la confusion, les raccourcis qui tendent au lieu de délier. Après vingt ans d’indignation virulente, j’ai dû trouver autre chose. »
Adeline Rosenstein

Ce sont quatre épisodes de « Décris-Ravage » que l’on a pu voir jusqu’ici, encore tout récemment à L’Échangeur à Bagnolet dans le cadre de « Fabrique des regards : Europe et Moyen-Orient » ; les cinquième et sixième épisodes seront créés ces semaines-ci, complétant le spectacle pour sa présentation complète à La Balsamine en avril prochain. Enfin.

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Les mondes enfouis de Lisbeth Gruwez

À propos de « Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan »

Une piste noire luisante et une danseuse en chemise blanche. Un homme assis à une console qui passe des disques. C’est le dispositif de « Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan », spectacle présenté au KVS à Bruxelles, il y a quelques semaines. Au premier abord, la configuration est sans mystère : lui (le musicien et compositeur Maarten Van Cauwenberghe) est dos à nous, juché sur un petit tabouret devant ses platines, il fume, boit une bière, nonchalamment ; elle (la chorégraphe et danseuse Lisbeth Gruwez), réceptionne chaque nouveau morceau de musique par une nouvelle partition dansée. Tous les deux écoutent la musique de Bob Dylan et la savourent, chacun à leur manière. On passe d’un album à l’autre. Pas de mix : chaque piste est jouée de bout en bout. Et entre chaque chanson, résonnent simplement le silence, la respiration de la danseuse et la complicité tacite des deux artistes. C’est là que la puissance du spectacle nous envahit peu à peu : pas d’artifices, pas de grands effets, pas de commentaires – si ce ne sont les quelques mots jetés parfois par la danseuse à son partenaire, comme pour prendre la température de l’air ou partager le plaisir d’entendre ce son-là.

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Un banquet royal

À propos de « Reflets d’un banquet » mis en scène par Pauline d’Ollone au Théâtre de la Vie (Bruxelles, décembre 2015)

Quoi de mieux pour terminer l’année 2015 que d’assister au Banquet de Platon, au si bien nommé Théâtre de la Vie, tous deux (texte et espace) revisités par Pauline d’Ollone et six comédiens fabuleux.

Remémorons-nous ce texte alors que nous essayons péniblement de nous remettre de notre gueule de bois post-réveillon et de manière à débuter l’année par de bonnes résolutions : relire nos classiques fondateurs, en particulier grecs.

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