Voyage initiatique

Durant l’automne 2015, Judith de Laubier a suivi, en tant que stagiaire à la mise en scène, les répétitions de « Darius, Stan et Gabriel contre le monde méchant » de Claude Schmitz, créé aux Halles de Schaerbeek. Journal de création, dernier épisode (4/4) : lecture dramaturgique de la traversée des héros.

Au milieu de l’été, Darius, Stan et Gabriel décident de s’évader de leur appartement bruxellois – cocon précaire qu’ils quittent pour le continent africain. Leur parcours prend l’allure d’un voyage initiatique vers un ailleurs fantasmé. Et pourtant, la fuite du « monde méchant » occidental annonce une dégringolade de désenchantement en désenchantement.

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« Nous ne sommes plus le Teatro Valle Occupato. Qui sommes-nous ? »

Rencontre avec Fausto Paravidino, auteur, acteur et metteur en scène de « La Boucherie de Job », spectacle en tournée, créé pendant l’occupation du Teatro Valle (du 14 juin 2011 au 10 août 2014), théâtre historique de Rome. Entretien réalisé le 19 janvier 2016 à Paris.

Comment l’occupation du Teatro Valle a-t-elle commencé ?

Le théâtre était fermé depuis trois mois. L’ETI (Ente Teatrale Italiano) dont il dépendait n’existant plus, il est devenu propriété de l’État, avec l’option d’être repris par la mairie de Rome. L’occupation devait durer juste trois jours, en signe de protestation contre l’état d’abandon de la culture en Italie, pour réagir à l’absence de mobilisation à la fin de l’ETI et pour éviter la privatisation du théâtre. Comme nous n’avions pas de réponse concrète sur son devenir, nous y sommes restés et avons continué les débats avec de plus en plus de monde impliqué. Cela se passait juste après le non au référendum de 2011 sur la privatisation de l’eau. Il y avait un mouvement très important autour de la notion de biens communs, ces biens qui appartiennent à la nature, qui ne sont ni privés ni publics, comme l’air, l’eau… la culture peut-être.

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« Les solutions viennent des autres. »

Durant l’automne 2015, Judith de Laubier a suivi, en tant que stagiaire à la mise en scène, les répétitions de « Darius, Stan et Gabriel contre le monde méchant » de Claude Schmitz, créé aux Halles de Schaerbeek. Journal de création, épisode 3/4 : acteurs et scénographie.

« La scénographie est une question qui m’intéresse vraiment, donc je ne peux pas imaginer une histoire sans penser à l’espace. J’ai toujours su qu’il y avait une première partie dans l’appartement, qu’il y aurait une voiture et qu’on terminerait dans une grotte. J’arrive avec un projet dont les lignes directrices sont relativement claires et après ça, c’est un travail d’échange très ludique avec Boris Dambly, Fred Op de Beek¹ et les acteurs. »²

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« La femme est toujours prise dans une histoire qui n’est jamais la sienne. »

En 1980, l’Ensemble théâtral mobile, dirigé par Marc Liebens, reprend sa mise en scène de « Hamlet-Machine » de Heiner Müller, créé deux ans plus tôt. Dans le cadre de la préparation de cette reprise, Michèle Fabien, dramaturge de l’ETM, entame une correspondance avec Bernard Dort, publiée dans le numéro 3 d’Alternatives théâtrales en février 1980. Partie 2/2 : Michèle Fabien répond à Bernard Dort.

Nieuport, le 26 décembre 1979

Cher Bernard Dort,

Ces quelques mots constituent-ils encore une lettre?

Oui, parce que j’ai envie de vous les faire parvenir… Vous n’avez pas le temps de poursuivre cette correspondance et je le regrette, car elle n’est pas fausse, croyez-moi.
Nous aurions pu tenir deux discours : vous, avec votre connaissance de Shakespeare et de Brecht, moi, avec ma sensibilité à ce texte-ci, précisément. Pourquoi faudrait-il que l’on se pose des questions dont l’autre ait la réponse ? Pourquoi faudrait-il que l’on parle du même lieu et que l’on tienne le même langage ? Hamlet et Ophélie sont, chez Müller, chacun dans leur(s) théâtre(s) et pourtant, ils sont bien dans le même texte.

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« Moi j’ai pas envie de faire une italienne, je suis belge »

Durant l’automne 2015, Judith de Laubier a suivi, en tant que stagiaire à la mise en scène, les répétitions de « Darius, Stan et Gabriel contre le monde méchant » de Claude Schmitz, créé aux Halles de Schaerbeek. Journal de création, épisode 2/4 : le travail avec des acteurs non professionnels.

« Comment faire en sorte que des personnes qui ne sont jamais montées sur un plateau ne se fassent pas écraser par l’idée qu’ils se font du théâtre ? Je n’ai pas de méthode, mais je crois que c’est avant tout un travail de générosité et de réelle écoute des deux côtés, de ma part et de la leur. J’essaye d’être exigeant et de travailler avec eux comme je travaillerais avec n’importe quel acteur. Ça serait terrible de travailler différemment ou de les mettre à part. »¹

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Écrire ? et autres notes

« Accents toniques » est un recueil de notes, la plupart inédites, rédigées depuis 1973 par Jean-Marie Piemme.
Extrait 2 : notes non datées (années 90).

– ÉCRIRE ? Oui, écrire. Restituer le roulis qu’on a dans la tête. À l’origine, il y a quelque chose qui roule dans la tête, pas très identifiable, et on essaie d’entrer dans le roulis pour voir ce que c’est. Et on découvre un château hanté. On ouvre des portes qui donnent sur d’autres portes, on dérive lentement, on est soi loin de soi. Ce n’est pas une descente dans les profondeurs, une aventure intérieure, l’autre nom de la vieille introspection. Quand on entre dans le roulis, paradoxalement, on retrouve l’extérieur. Sophocle est là et aussi Shakespeare, et papa et maman, et le grand tamtam du monde. Il faut alors décortiquer, recomposer, coller, disjoindre, bâtir, détruire : écrire. Je crois à des élans de positivité sur fond de terreur, je refuse de dissocier les deux plans, la dissociation est un mensonge.

– LA VÉRITE D’UNE PAROLE n’est pas seulement dans ce qu’elle dit, elle est également dans la façon dont elle le dit. La forme est une conviction.

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Tout mon petit univers en miettes ; au centre, quoi ?

En 1980, l’Ensemble théâtral mobile, dirigé par Marc Liebens, reprend sa mise en scène de « Hamlet-Machine » de Heiner Müller, créé deux ans plus tôt. Dans le cadre de la préparation de cette reprise, Michèle Fabien, dramaturge de l’ETM, entame une correspondance avec Bernard Dort, publiée dans le numéro 3 d’Alternatives théâtrales en février 1980. Partie 1/2.

Bruxelles, le 11 novembre 1979.

Cher Bernard Dort,

Hamlet-Machine
Heiner Müller
H… M…

Tout texte s’inscrit dans un espace inauguré par son titre et clôturé par le nom de son auteur… Il ne me paraît pas gratuit de commencer cette correspondance par le rapprochement de ce qui se trouve, normalement, séparé par le texte.
H. M. se divise en deux.
N’est-ce pas une façon d’entrer dans le vif du sujet? Le sujet, dans le texte, n’est-il pas questionné à vif ?
D’ailleurs, au tout début du travail dramatique, nous avons pensé que ce texte pouvait être joué par un seul comédien ou par 25 personnes (si pas 25, 36, ou 5, ou 7…).
Question un peu académique : finalement, pour des raisons économiques, nous avons opté pour une partition à deux voix: une voix d’homme et une voix de femme. Mais avec des moyens financiers, la question resterait valable. Müller, il me semble, met ici en cause, et d’une façon radicale, la notion même de distribution: impossible, dans Hamlet-Machine, d’attribuer le rôle d’un personnage à une personne de comédien. S’il y a une voix d’homme et une voix de femme, d’entrée de jeu, comme personnages, elles se définissent par ce qu’elles ne sont pas/plus: «J’étais Hamlet… » c’est donc qu’il ne l’est plus ; «Je suis Ophélie que la rivière n’a pas gardée», tout le monde sait qu’une Ophélie qui ne serait pas noyée ne serait plus tout-à-fait une vraie Ophélie.

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Who’s Afraid of the Big Bad Wolf ?

Durant l’automne 2015, Judith de Laubier a suivi, en tant que stagiaire à la mise en scène, les répétitions de « Darius, Stan et Gabriel contre le monde méchant » de Claude Schmitz, créé aux Halles de Schaerbeek. Journal de création, épisode 1/4 : les origines.

Trois petits cochons vivent modestement dans un appartement bruxellois délabré. « Darius, Stan et Gabriel ». Darius c’est le plus âgé, hard rockeur au chômage ; ensuite il y a Stan, trentenaire nerveux et Gabriel, jeune étudiant aux Beaux-Arts. Leur situation précaire ne s’arrange pas avec l’arrivée du parasite-Benoît, un vieil ami de Darius, devenu SDF qui s’installe progressivement dans l’appartement jusqu’à se construire une petite cabane au milieu du salon.

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Le théâtre de consommation culturelle

« Accents toniques » est un recueil de notes, la plupart inédites, rédigées depuis 1973 par Jean-Marie Piemme.
Extrait 1 : note du 6 décembre 2015.

Le théâtre de consommation culturelle se satisfait vite de la prestation « Canada dry » qui, selon sa publicité, ressemblait à de l’alcool, mais n’était pas de l’alcool. La consommation culturelle aime le simili : cela ressemble à une démarche artistique, mais ce n’est pas une démarche artistique. C’est un surf habile sur les vagues du goût moyen, un produit attractif sensé satisfaire une attente bien disposée que l’exigence artistique ne taraude pas. Le théâtre de consommation culturelle est un théâtre paresseux. Il est paresseux à la façon de ces élèves doués qui pourraient faire des étincelles, s’ils le voulaient, mais se satisfont d’une note présentable, une note en tout cas qui n’indisposera pas les parents. C’est qu’il y a souvent un immense talent dans le théâtre de consommation culturelle. Le théâtre de consommation culturelle aime les valeurs sûres, le reçu, le canonique, le déjà digéré, les grands noms, les grandes réputations. Des grecs à Shakespeare, de Molière à Tchekhov, de Goldoni à Ibsen : les œuvres de haute qualité ne manquent pas, dieu merci. Deux-mille cinq cent ans de théâtre ont accumulé des joyaux dans les caves de la culture. La qualité des propositions textuelles peut facilement être assurée. Mais le théâtre de consommation culturelle a pour vocation moins d’interroger cette qualité, d’explorer la résonnance de celle-ci dans un monde changé, dans une historicité qui bouge, de la mettre en rapport avec notre moment historique, que de transformer sa puissance de vision en marchandise culturelle. Le public est ainsi assimilé à un ensemble de clients qui aiment les placements artistiques sûrs et ne souhaitent pas acheter un chat dans un sac.

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Microteatro

Avant son arrivée à Paris, retour sur l’expérience madrilène du « Microteatro »

Fondé à Madrid il y cinq ans, sous les auspices de la crise financière, le Microteatro-Madrid est né dans une ancienne maison close madrilène. « Micro » parce qu’il s’adresse à un petit groupe de personnes à la fois, parce que chacune des pièces de courte durée est jouée dans un espace minuscule, le Microteatro répond à la macro-ambition de s’adresser à des publics nombreux et variés en leur offrant une proposition théâtrale originale. Parce qu’ils n’ont pas voulu se résigner à la décroissance culturelle comme seule réponse au déficit économique, les fondateurs à l’esprit libertaire ont imaginé ce concept artistique et culturel en dehors des réseaux subventionnés. Leur rêve de démocratisation culturelle ayant fait ses preuves en Espagne, ils ont décidé de développer un projet similaire dans l’hexagone. Le Microteatro-Paris doit voir le jour en 2016. Continuer la lecture « Microteatro »