Théâtre sous COVID

PERSONNAGES EN QUETE D’AUTEUR.RICE.S

AUTEUR.RICE.S EN QUETE DE METTEUR.EUSE.S EN SCENE

METTEUR.EUSE.S EN SCENE EN QUETE DE PROGRAMMATEUR.RICE.S

PROGRAMMATEUR.RICE.S EN QUETE DE SPECTATEUR.RICE.S

SPECTATEUR.RICE.S EN QUETE DE PERSONNAGES… !

Pensant avec Jean Vilar que le théâtre est un « service public » aussi important que l’eau, le gaz et l’électricité, nous plaidons pour la réouverture des essentiels lieux d’art et de culture – dans le respect des règles sanitaires.

Dans cette rubrique sur la vie théâtrale à l’heure du coronavirus, – sur son absence dramatique pour tous les maillons de notre communauté -, nous relaierons quelques initiatives heureuses sur notre blog, notre site et Facebook.

Pour commencer, on vous propose :

  • de participer à la rencontre en visioconférence du 5 avril 2021 (18h-19h30)

Caroline Godart, codirectrice éditoriale d’Alternatives théâtrales, s’entretiendra sur Zoom avec trois artistes basé.e.s à Bruxelles, Céline Estenne, Salim Djaferi et Camille Pier, pour évoquer ensemble les difficultés (institutionnelles, psychiques, économiques, etc.) que rencontre toute une génération de créateur.rice.s : comment font-iels face aux annulations en série ? Où en sont leurs projets ? Que font l’état et les institutions culturelles ? De quel soutiens concrets ont-iels besoin pour pouvoir continuer à travailler ? 

Lien Zoom : https://us02web.zoom.us/j/87428459092

  • de lire sur notre page Facebook des communiqués édités par les élèves des écoles de théâtre qui occupent actuellement l’Odéon, le Théâtre de la Colline et le TNS.
  • de s’informer sur l’assemblée des Théâtres, prévue le 6 avril 2021 au Théâtre du Rond-Point de Paris, plus d’infos ici
  • de suivre les actions de #stillstandingforculture très actif en Belgique et que vous pouvez suivre sur leur page Facebook.
  • de lire en attendant de se retrouver dans la vraie vie : nos prochaines publications sont consacrées à la scène brésilienne ; Kitsou Dubois, chorégraphe de l’apesanteur ; le théâtre du Rideau de Bruxelles ; l’opéra et l’écologie ; les nouvelles scènes du son…

Au plaisir de vous retrouver dans les salles !

Dernières parutions sur notre blog :

Un spectacle hors norme – Le Château de Barbe-Bleue à l’Opéra de Lyon

A l’origine il y a le récit de Charles Perrault qui dresse l’image d’un maître meurtrier expert en frayeurs au cœur de son château où des femmes sont strictement verrouillées. La légende a ressuscité ensuite grâce à Maurice Maeterlinck qui écrivit Ariane et barbe bleue au début du XXème siècle et fut repris par Paul Dukas pour l’opéra qu’il signa ensuite ! En 1910 Bela Balasz consacre un poème particulièrement violent à l’étrange maître de la demeure royale engloutie dans le noir où il va livrer un combat sans merci avec sa dernière conquête, Judith ! Bela Bartok va le convertir en un bref opéra d’un tragique dévastateur ! Chef – d’œuvre des temps modernes où la guerre des sexes semble trouver son terrain de prédilection. Déchirement de l’homme et de la femme, sur fond de combat irréductible entre la conservation du secret derrière les sept portes du château que le protagoniste entend préserver à tout prix et le vœu de dévoilement, de lumière que la femme défend en adversaire irréductible. Fracture sur laquelle débouche le conflit des deux amants guerriers. Et si cette œuvre était la prémonition profonde de la Première guerre mondiale, guerre d’un double anéantissement des parties en conflit ? L’artiste n’est-il pas parfois un voyant illuminé ? Un visionnaire du « non-dit » du monde ? 

Continuer la lecture « Un spectacle hors norme – Le Château de Barbe-Bleue à l’Opéra de Lyon »

De Max, une star est de retour

Parution, Claudette Joannis.
Edouard de Max, Gloire et décadence d’un prince de la scène française (1869 – 1924). 
Collection Saint – Germain des Près Inédit 

Dans ce livre rare Claudette Joannis s’engage sur les traces d’un acteur hors pair, Edouard de Max, venu de Roumanie, plus précisément de Iassy, pour s’imposer à Paris et finir dans son refuge hétéroclite du 66 rue Caumartin. Lui qui a tant aimé clamer les mots et projeter ses passions, assumera sur le ton de l’aveu testamentaire l’association des deux pays entre lesquels son destin se noua : « Vive la France ! Vive la Roumanie ! ».

Continuer la lecture « De Max, une star est de retour »

Mémoire et « Chant du cygne »

Tout artiste est dissocié de son œuvre, à l’exception des artistes du vivant. Ils sont indissociables et, parfois, ils en souffrent comme cet acteur anglais… qui avouait son regret de ne pas pouvoir se trouver dans le public pour se voir sur scène alors que le peintre peut regarder sa toile ou l’écrivain se refugier dans ses appartements avec un de ses livres à la main ! Il y a une souffrance et Max Frisch la confirmait en assimilant l’acteur à un peintre aveugle qui ne parvient pas à voir son œuvre. Il l’engendre et elle lui échappe, ou s’enfuie, dit-on, mais certains la conservent telle une seconde vie dont le corps se souvient et qui, de manière imprévue, s’éveille ou s’anime un instant. Ils ne sont pas nombreux mais bien que rares ils confirment cette persistance mnémonique déposée par bribes dans le coffret de la mémoire la plus secrète, mais jamais perdue ! Cette conviction s’est réactivée un soir lorsqu’une amie chère, Magda Stavischi, m’a envoyé un petit extrait de vidéo que j’ai regardé sans cesse, « à travers les larmes » comme le disait Tchekhov…

Continuer la lecture « Mémoire et « Chant du cygne » »

Première expérience jeune public : transmutation d’un cabinet de curiosités

Sylvie Martin-Lahmani et Caroline Godart, codirectrices d’Alternatives théâtrales, m’ont proposé de relater sur le blog de la revue ma première expérience de spectacle pour le jeune public, en l’occurrence la création d’un cabinet de curiosités pour enfants à partir de ceux que j’ai conçus pour un public adulte. Cette création, qui devait avoir lieu fin novembre au Théâtre La montagne magique à Bruxelles, a été reportée. D’autres dates sont prévues au Centre culturel de Braine-l’Alleud début février – si les théâtres rouvrent…

Le compte rendu de mon expérience ne portera donc que sur l’amont ; l’aval viendra en son temps !

Continuer la lecture « Première expérience jeune public : transmutation d’un cabinet de curiosités »

Plasticité des corps masqués

En créant un diptyque autour de deux oeuvres de Copi qu’il nomme 40 degrés sous zéro, d’après une réplique d’une des deux pièces, Louis Arène utilise le masque afin de révéler l’organicité des corps qui, comme souvent chez l’auteur argentin, dynamite les codes bourgeois et théâtraux de la bien-pensance biologique et sexuelle. Le queer chez Copi et l’outil du masque chez Louis Arène sont ici les armes de résistance ultime face à une société rigidement hétéropatriarcale qui investit et contrôle les corps. Ceux des personnages ici, pour la plupart transsexuels ou travestis, se heurtent à un monde extérieur hostile et menaçant, dans le froid de la Sibérie (« L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer ») et de l’Alaska (« Les Quatre Jumelles »). Et les nombreuses couches de manteaux qu’ils portent sur scène deviennent la métonymie des masques qu’un corps social peut revêtir, et lorsqu’ils tombent ils sont prêts à nous révéler le corps dans ce qu’il a de plus primaire et d’organique. Ce sont aux personnages de « L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer », la première pièce du diptyque, que j’aimerais m’intéresser ici, au croisement avec le travail du masque proposé ici.

©Darek Szuster : 40° Sous Zéro, création le 5 mars 2019 à la Filature de Mulhouse Olivia Dalric, François Praud, Louis Arene
©Darek Szuster : 40° Sous Zéro, création le 5 mars 2019 à la Filature de Mulhouse Olivia Dalric, François Praud, Louis Arene
Continuer la lecture « Plasticité des corps masqués »

On s’en va… un soir de solitude

  • Mise en scène de Krzysztof Warlikowski

J’ai appris, avant de voir le spectacle, la mort de Ludwik Flaszen, et je me suis rappelé Akropolis où tous les personnages vont à la mort « avec le sourire aux lèvres » comme m’a dit un jour Jerzy : « Le sourire ? Pourquoi ? parce qu’ils veulent dire : comment ce n’est que ça ? »…

Et puis je suis parti avec On s’en va…, une vie et les morts qui se succèdent, pour des raisons biologiques, par accident, par excès érotiques. Ici ce n’est pas un groupe dans son intégralité qui est voué à la mort, mais un groupe qui se défait par les morts, une mort à laquelle personne n’échappe. Elle est inéluctable ! Mais personne ne la craint, chacun la subit et le groupe se réduit tout en se réunissant pour la cérémonie des adieux où les discours échouent invariablement : personne ne parvient à apaiser par la parole.

Wyjezdzamy 29_Crédit Magda Hueckel
Wyjezdzamy 29_Crédit Magda Hueckel

Parole pauvre, parole détournée, parole accusatrice.

Continuer la lecture « On s’en va… un soir de solitude »

Immanence de la pierre, évanescence du fantôme

A lire : Monique Borie, Le fantôme ou le théâtre qui doute, Actes Sud, 1999.

Deux expositions renvoient à une pensée du théâtre et à l’écartèlement qui le définit entre « ce qui dure » et « ce qui s’évanouit » : Ruines de Josef Koudelka à la Bibliothèque Nationale de France et Léon Spilliaert Lumière et solitude au Musée d’Orsay. Il n’y a pas de tension plus ardue qu’entre ces deux propositions antinomiques. Contradiction irrésolue et vivante du théâtre écartelé entre les pôles opposés.

Koudelka, je l’ai rencontré et connu grâce à une inoubliable photo des Trois sœurs mythiques du grand Otomar Krejca montées en 68 à Prague, après l’invasion russe. Témoignage de la violence inouïe des relations entre les exilées tchekhoviennes, violence que la pellicule avait enregistrée en procurant un effet de proximité. L’image m’a bouleversé avant même de voir, des années plus tard, ce spectacle qui révélait avec une intensité inconnue les déchirements de ces femmes chassées de Moscou, leur « paradis » perdu à vrelation amicale avec la plus discrète et digne figure de la dissidence, Donia Cornea. Dans son atelier d’Ivry où il m’a convié, les vitres conservent la poussière depuis des années tandis que les tirages jonchent en désordre partout. Par contraste, dans ses Ruines de la BNF l’ordre règne et de la nuit savamment éclairée se détachent les fragments disparates saisies par Koudelka lors de ses voyages, plusieurs années durant, autour de Mare Nostrum.

Continuer la lecture « Immanence de la pierre, évanescence du fantôme »

Hommage à Frie Leysen

Frie Leysen, fondatrice du Kunstenfestivaldesarts et figure emblématique des arts de la scène en Belgique et dans le monde, s’est éteinte le 22 septembre 2020. Lissa Kinnaer, qui a dirigé le Réseau des arts à Bruxelles et travaille aujourd’hui pour le Kunstenpunt, lui rend hommage.  

Continuer la lecture « Hommage à Frie Leysen »

Une famille d’artistes : de Victor Brauner à Samy Briss

  • De l’interthéâtralité à l’nterpictularité

Victor Brauner a enfin la rétrospective qu’il méritait au Musée d’Art Moderne mais, dépourvu de chance, comme il le fut toute sa vie, elle s’est ouverte par des temps brumeux, de peur, d’inquiétude mais, malgré tout, de résistance. Masqués, les visiteurs nullement épars se succèdent concentrés devant les toiles de ce peintre roumain d’origine juive qui a évolué, sous le signe du « rêve », entre son pays natal et la France dans la première moitié du XXème siècle. Engagé dès ses débuts dans les mouvements de l’avant-garde roumaine qui a marqué un moment décisif sur la scène culturelle roumaine grâce à des figures éminentes comme Tristan Tzara, Ilarie Voronca, Benjamin Fondane, Brauner s’est affilié ensuite à la mouvance surréaliste radicale placée sous la bannière d’André Breton qui la conduit d’une main de fer. Le passage de la revue UNU – titre du journal roumain que l’on retrouve dans l’exposition – aux réunions avec les artistes qui défendent l’approche de l’art dans la perspective du rêve se produit sans heurts, presqu’organiquement. L’Europe a connu l’unité des avant-gardes jusque dans les années 30 qui, ensuite, va être battue en brèche sous l’impact des dictatures, fasciste ou communiste ! Cela va entraîner des affiliations douteuses ou des exclusions scandaleuses… Brauner en subit les conséquences.

Continuer la lecture « Une famille d’artistes : de Victor Brauner à Samy Briss »