Comédienne, metteure en scène et pédagogue, Geneviève Ryelandt a approfondi tout au long de sa trajectoire professionnelle des techniques de théâtre qui visent par l’improvisation à libérer l’imaginaire des
acteurs (professionnels ou amateurs). On pourrait rapprocher cette démarche de celle expérimentée dans les années 1970 par Alain Knapp et son « théâtre création » dont les principes sont repris dans
Une école de la création théâtrale (Éditions Actes Sud/papiers 1983) : par la haute estime que l’on a des actrices et des acteurs et de leurs capacités créatrices, développer un travail qui fuit les clichés pour
produire un jeu qui tente d’être au plus près de l’expression de la vie intérieure et de la poésie qu’elle dégage.
Ce cheminement a amené Geneviève Ryelandt à réaliser en 1999, un spectacle de théâtre-mouvement, Les petites Catastrophes, qui était le prolongement d’un travail d’écriture où des fragments de textes de Botho Strauss étaient mis en résonance avec des images de spectacles de Pina Bausch. (Des extraits de cet essai ont été publiés dans Alternatives théâtrales n°45, Le monologue, juin 1994).
En 2014 elle s’est attelée à l’écriture d’un texte basé sur le mythe de Médée, figure qui hante l’artiste depuis de longues années. Une première version en a été donnée à Bruxelles en décembre 2015.
À partir de cette expérience elle a ensuite retravaillé le texte qui a été publié récemment. (1)
Ce petit texte d’une trentaine de pages est une formidable matière à jouer. Son écriture permet, quels que soient les moyens théâtraux qui seraient mis en oeuvre – du théâtre pauvre et minimaliste à une mise en scène qui ferait appel à une scénographie plus élaborée – de produire un spectacle qui parle au cœur et à l’intelligence du spectateur. (Avis aux compagnies à la recherche de textes d’aujourd’hui !)
Se déroulant en cinq séquences, le texte sous son apparence « débridée » est en même temps très structuré et maîtrisé. Il s’empare de personnages puisés dans la tragédie d’ Euripide – Médée, Jason, Hélios (la mère, le père, l’enfant) – en y ajoutant un quatrième intervenant , « l’écho », qui est comme l’inconscient de Médée et ne cesse de se rappeler à elle.
Il y a en permanence une « double écriture » qui oscille entre l’ordinaire et le sublime, la gravité et l’humour, le gag et la pensée inspirée, la sentence et la citation détournée. Métaphore de la vie et du théâtre qui balance entre évènements du réel et vie imaginaire.
Médée a-t-elle tué son enfant ? La femme du récit a-t-elle vécu une interruption de grossesse ? Son fils est-il mort ou vivant ? Appartient-il à son père ou à sa mère ?
Le titre de la pièce, renvoie à la forme de ce récit, dont le ressort est une écriture rythmée qui assume les glissements d’une époque à une autre, celle de la tragédie d’Euripide et le monde actuel, jouant avec les archétypes de la vie d’un couple qui se dispute son enfant. C’est l’originalité et la force de cet ouvrage ramassé dans ces cinq courtes séquences dont les appellations sont tout un programme : Les retrouvailles, Les révélations, Le fils, Catharsis, L’envol…
1. Geneviève Ryelandt, Rythm & Blues, Edilivre, 2017,prix 7,5€.