Who’s Afraid of the Big Bad Wolf ?

Durant l’automne 2015, Judith de Laubier a suivi, en tant que stagiaire à la mise en scène, les répétitions de « Darius, Stan et Gabriel contre le monde méchant » de Claude Schmitz, créé aux Halles de Schaerbeek. Journal de création, épisode 1/4 : les origines.

Trois petits cochons vivent modestement dans un appartement bruxellois délabré. « Darius, Stan et Gabriel ». Darius c’est le plus âgé, hard rockeur au chômage ; ensuite il y a Stan, trentenaire nerveux et Gabriel, jeune étudiant aux Beaux-Arts. Leur situation précaire ne s’arrange pas avec l’arrivée du parasite-Benoît, un vieil ami de Darius, devenu SDF qui s’installe progressivement dans l’appartement jusqu’à se construire une petite cabane au milieu du salon.

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Le théâtre de consommation culturelle

« Accents toniques » est un recueil de notes, la plupart inédites, rédigées depuis 1973 par Jean-Marie Piemme.
Extrait 1 : note du 6 décembre 2015.

Le théâtre de consommation culturelle se satisfait vite de la prestation « Canada dry » qui, selon sa publicité, ressemblait à de l’alcool, mais n’était pas de l’alcool. La consommation culturelle aime le simili : cela ressemble à une démarche artistique, mais ce n’est pas une démarche artistique. C’est un surf habile sur les vagues du goût moyen, un produit attractif sensé satisfaire une attente bien disposée que l’exigence artistique ne taraude pas. Le théâtre de consommation culturelle est un théâtre paresseux. Il est paresseux à la façon de ces élèves doués qui pourraient faire des étincelles, s’ils le voulaient, mais se satisfont d’une note présentable, une note en tout cas qui n’indisposera pas les parents. C’est qu’il y a souvent un immense talent dans le théâtre de consommation culturelle. Le théâtre de consommation culturelle aime les valeurs sûres, le reçu, le canonique, le déjà digéré, les grands noms, les grandes réputations. Des grecs à Shakespeare, de Molière à Tchekhov, de Goldoni à Ibsen : les œuvres de haute qualité ne manquent pas, dieu merci. Deux-mille cinq cent ans de théâtre ont accumulé des joyaux dans les caves de la culture. La qualité des propositions textuelles peut facilement être assurée. Mais le théâtre de consommation culturelle a pour vocation moins d’interroger cette qualité, d’explorer la résonnance de celle-ci dans un monde changé, dans une historicité qui bouge, de la mettre en rapport avec notre moment historique, que de transformer sa puissance de vision en marchandise culturelle. Le public est ainsi assimilé à un ensemble de clients qui aiment les placements artistiques sûrs et ne souhaitent pas acheter un chat dans un sac.

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Microteatro

Avant son arrivée à Paris, retour sur l’expérience madrilène du « Microteatro »

Fondé à Madrid il y cinq ans, sous les auspices de la crise financière, le Microteatro-Madrid est né dans une ancienne maison close madrilène. « Micro » parce qu’il s’adresse à un petit groupe de personnes à la fois, parce que chacune des pièces de courte durée est jouée dans un espace minuscule, le Microteatro répond à la macro-ambition de s’adresser à des publics nombreux et variés en leur offrant une proposition théâtrale originale. Parce qu’ils n’ont pas voulu se résigner à la décroissance culturelle comme seule réponse au déficit économique, les fondateurs à l’esprit libertaire ont imaginé ce concept artistique et culturel en dehors des réseaux subventionnés. Leur rêve de démocratisation culturelle ayant fait ses preuves en Espagne, ils ont décidé de développer un projet similaire dans l’hexagone. Le Microteatro-Paris doit voir le jour en 2016. Continuer la lecture « Microteatro »

Un banquet royal

À propos de « Reflets d’un banquet » mis en scène par Pauline d’Ollone au Théâtre de la Vie (Bruxelles, décembre 2015)

Quoi de mieux pour terminer l’année 2015 que d’assister au Banquet de Platon, au si bien nommé Théâtre de la Vie, tous deux (texte et espace) revisités par Pauline d’Ollone et six comédiens fabuleux.

Remémorons-nous ce texte alors que nous essayons péniblement de nous remettre de notre gueule de bois post-réveillon et de manière à débuter l’année par de bonnes résolutions : relire nos classiques fondateurs, en particulier grecs.

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Lire ou relire les « Lettres à un jeune poète »

Bernard Debroux, fondateur d’Alternatives théâtrales, a relu Rainer Maria Rilke.

Il n’est qu’une seule voie. Entrez en vous-même…  Rilke
Entre 1903 et 1908 , Reiner Maria Rilke écrivit dix lettres¹ en réponse à Franz Kappas qui lui demandait de réagir à ces premiers poèmes.

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Luc Bondy et le grand intérieur

Texte publié en 1993 dans le n°44 d’Alternatives théâtrales « Théâtre et vérité »

«La vérité se trouve au commencement» conviction souvent reprise que l’abus d’usage n’a pourtant pas galvaudée. Et pour le spectateur français, l’identité de Bondy reste inscrite dans Terre étrangère de Schnitzler, le spectacle de ses débuts parisiens. Depuis, il n’a pas cessé de varier cette image sans jamais la démentir. Oui, au coeur de son territoire, Bondy, je l’ai découvert ce soir-là. Sans désir de fuite, ni agressivité programmée, Bondy parvenait alors à exalter le théâtre comme art où la vie se laisse explorer dans sa matière même. Sans qu’il se confonde pour autant avec elle. Si, pour Brook, le théâtre c’est de la vie concentrée, pour Bondy c’est de la vie accentuée.

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Quoi Louvet?

Texte publié en 2001 dans le n°69 d’Alternatives théâtrales

Et bien quand je pense à lui, je vois un homme sur son seuil, une main tendue, on le salue, il salue, Louvet est un homme public, il interpelle, conseille, milite, écoute, c’est un voisin, un ami, un professeur, un écrivain, une figure qu’on ne croise pas en toute mondanité, la mondanité n’a rien à faire avec la fraternité populaire, quand Louvet est là on s’y heurte, il vous secoue, prenez position s’il vous plaît, ne laissez pas filer le réel comme si rien ne pouvait en infléchir le cours, réfléchissez, faites marcher votre cervelle, regardez le monde, regardez et agissez, il joue de la voix, appelle à la rescousse, sa solide carcasse de tribun du peuple vous énerve, vous emballe, vous subjugue, dragueur va!

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