Fondé à Madrid il y cinq ans, sous les auspices de la crise financière, le Microteatro-Madrid est né dans une ancienne maison close madrilène. « Micro » parce qu’il s’adresse à un petit groupe de personnes à la fois, parce que chacune des pièces de courte durée est jouée dans un espace minuscule, le Microteatro répond à la macro-ambition de s’adresser à des publics nombreux et variés en leur offrant une proposition théâtrale originale. Parce qu’ils n’ont pas voulu se résigner à la décroissance culturelle comme seule réponse au déficit économique, les fondateurs à l’esprit libertaire ont imaginé ce concept artistique et culturel en dehors des réseaux subventionnés. Leur rêve de démocratisation culturelle ayant fait ses preuves en Espagne, ils ont décidé de développer un projet similaire dans l’hexagone. Le Microteatro-Paris doit voir le jour en 2016.
À l’origine
C’est en 2009, sur une initiative du cinéaste et dramaturge Miguel Alcantud¹, qu’un groupe d’auteurs, de metteurs en scène et d’acteurs madrilènes, a imaginé le concept du « microteatro por dinero ». Cette première expérience ayant eu lieu dans un ancien bordel, le thème « Pour l’argent » leur a été inspiré par les pratiques de prostitution et de relations monnayées qui y avaient lieu. Au total, treize œuvres y ont été représentées avec un succès public et critique immédiats. C’est ainsi que le local est né dans Loreto Chicote de Madrid. Depuis cette époque, le Microteatro n’a cessé de s’étendre et de se renouveler au gré des pays et des ports d’ancrage qui l’abritent. En dehors du siège madrilène, le projet a vu le jour dans d’autres villes d’Espagne comme Barcelone, Valence, Malaga, Séville et Almería, mais également en Amérique, à Mexico et Miami. Renouvelé chaque mois autour de nouveaux sujets de commande, un répertoire très vaste maintenant est offert aux spectateurs² dans les conditions généreuses qui font la marque de fabrique du Microteatro.
Concrètement, le Microteatro est un format théâtral qui consiste à représenter une œuvre d’une durée inférieure à quinze minutes, pour un nombre maximum de quinze spectateurs, dans un espace inférieur à quinze mètres carrés. Présentées simultanément, en cession continue, les œuvres s’inscrivent systématiquement dans la thématique mensuelle, par exemple : Microteatro pour Elles, pour le Futur, la Famille, la Jalousie… En dehors de ces contraintes quasi-oulipiennes, les créateurs (auteurs, acteurs et metteurs en scène) jouissent d’une liberté absolue dans leur travail de création. Chaque représentation contient les caractéristiques suivantes : au préalable, un texte, au moins deux acteurs et une mise en scène. Pour les fondateurs du Microteatro, les courtes pièces qui y sont jouées ne sont pas des formes dramatiques amoindries ou amputées mais plutôt l’équivalent du court-métrage au cinéma, ou de la nouvelle en littérature. Au fil des mois, chacune des micro-pièces est mise en scène et représentée dans un ensemble de plusieurs micro-salles. Ainsi, chaque soir, le public a la possibilité d’assister à une, deux, trois, quatre ou cinq représentations d’affilée, selon un programme qu’il compose à son gré, en tenant compte de ses moyens financiers (quatre euros par pièce et des formules dégressives) ou de son état de fatigue – laissez-passer spécial pour « la hora golfa » (heure tardive) !
Si l’exigence artistique est au cœur du projet pionnier, la dimension distractive n’en est pas absente, bien au contraire. Conçu comme un lieu de culture pour tous, une sorte de cabaret pluridisciplinaire, le Microteatro et ses aires de jeu s’articulent autour d’un espace de restauration absolument central. Laboratoire d’idées et d’inventions, tels sont les objectifs du projet théâtral et de son espace gastronomique : qualité, durabilité et accessibilité sont les valeurs essentielles qui doivent aussi bien s’appliquer aux propositions artistiques qu’au « bar à tapas » et à la carte des vins naturels…
Pourquoi créer le Microteatro-Paris ?
Cela fait donc cinq ans que le projet vit et se développe en Espagne avec ses deux micro-succursales américaines, et un peu moins de temps que des envies naissent en Europe. C’est très progressivement que l’idée de le réaliser à Paris s’est concrétisée. Malgré la conscience des difficultés liées à la création d’une pareille entreprise chez des Gaulois moins latins qu’il n’y paraît, Carlos Belmonte³ a fait son choix en cette tragique année 2015, jalonnée d’attentats sanglants : « Finalement, j’ai décidé de poursuivre l’idée, d’aller plus avant, comme une façon aussi de répondre à tant d’infamie et d’irréflexion qui semblent dominer notre monde. La culture est une réponse nécessaire, chargée de présent et de futur. L’idée est, essentiellement, de former un groupe d’initiative pour mener à bien la création d’un espace culturel, basé sur l’expérience du Microteatro-Madrid, espace qui utilise le théâtre comme véhicule principal de la proposition. Un espace ouvert aux gens qui sont liés à la culture, ainsi qu’aux habitants de Paris et de ses environs. En se basant sur la connaissance et l’expérience du modèle espagnol, il s’agit de créer le Microteatro-Paris. C’est indubitablement un projet ambitieux qui nécessite un grand effort collectif de personnes ayant des affinités culturelles communes. » C’est ainsi qu’un groupe de passionnés venant d’horizons culturels différents s’est déjà mis au travail sous la houlette de Carlos Belmonte, afin de pouvoir ouvrir ce nouvel espace en 2016. Un pari artistique, éthique et joyeux.
1 Réalisateur et scénariste espagnol, Miguel Alcantud est né le 12 mars 1971, à Cartagena (Murcia, Espagne). Fondateur du concept théâtral à succès en Espagne "Microteatro por dinero", metteur en scène de plusieurs pièces de théâtre, il est également réalisateur de cinéma. Après avoir travaillé avec des cinéastes de renom tels que Álex de la Iglesia, Montxo Armendáriz ou Bigas Luna, Miguel Alcantud réalise lui-même plusieurs longs-métrages: Impulsos en 2002, Anastezsi, en 2007, une coproduction entre l'Espagne, l'Angleterre et l'Italie avec la participation de la célèbre actrice Ángela Molina, et Y Viceversa, plus récemment, en 2011. Il a réalisé au Mali Diamantes negros (2013) 2 Quelques éléments statistiques : 973 oeuvres jouées ; 772 acteurs et actrices présents ; 342 auteurs ; approximativement 100.000 tickets vendus par année ; 135.000€ de bénéfices nets pour le Microteatro-Madrid en 2012 : (à savoir que Madrid dispose d'un espace limité qui fait que le format ne peut pas être exploité de manière parfaite) ; aucune dépense pour la publicité depuis l'ouverture… 3 Dans les années 80, Carlos Belmonte débute sa carrière professionnelle comme assistant réalisateur à la RTVE. Pendant plus de 25 ans, il alterne travaux de production et de réalisation dans divers secteurs culturels, créant des oeuvres pour le cinéma, la télévision, le théâtre et la musique. Pendant toutes ces années, il travaille en Europe, en Amérique du Sud et en Afrique. Toujours passionné par l’Art et les nouvelles formes d’expression, il fut fondateur de la galerie CONTINUUM, collaborateur de compagnies emblématiques du théâtre espagnol comme l’ARENA TEATRO. Il fut aussi Producteur au sein de BUONAVENTURA Films et d’ACCIONVISUAL. Il vit actuellement à Paris, ou tout en continuant à produire pour l’audiovisuel, il s’investit dans la création du MICROTEATRO PARIS.