Métamorphoses du chasseur chassé – Actéon, filmopéra

Actéon – l’histoire d’un homme transformé en bête, puni de sa curiosité, châtié à cause de son voyeurisme. Est-ce un chasseur habile, un voyeur lubrique, ou pourrait-il être considéré comme une métaphore de notre société, prise à son propre piège ? Ce mythe raconté par Ovide dans ses Métamorphose a été mis en musique par Marc-Antoine Charpentier en 1684 dans des circonstances très particulières.

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En compagnie de Guy Cassiers et Katelijne Damen

Cet entretien aurait dû paraître l’année passée avec la sortie de la revue #141 « Images en scène » mais le Covid en a décidé autrement.

À l’occasion des répétitions de Tirésias en mars 2020 et à quelques jours d’un premier confinement, Guy Cassiers et Katelijne Damen nous accordent un entretien qui dévoile quelques secrets de leur complicité au travail.

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L’Inondation, de Francesco Filidei et Joël Pommerat, au prisme de l’écoféminisme.

J’ai vu L’Inondation lors des représentations de l’automne 2019 à l’Opéra Comique. Je ne suis pas du tout spécialiste de Pommerat mais j’admire son travail. Là encore, je suis saisie par la beauté, la clarté de la mise en scène, son intelligence, aussi. Toutefois, je suis gênée. Gênée en tant que femme à qui l’on présente des personnages féminins stéréotypés merveilleusement incarnés, et en tant que spectatrice de théâtre face à une œuvre qui joue sur l’effet de réel pour présenter ce qui arrive (les éléments de la fiction) comme inéluctable. Je sors du spectacle enchantée par la musique et comme piquée par un taon, fascinée, meurtrie et plombée. Revenir sur L’Inondation deux ans après, ayant pris connaissance de ce qu’il se passait chaque soir sur le plateau, et auparavant durant les répétitions, par l’une des actrices principales du drame, me jette dans un trouble profond.

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Aïda par Lotte de Beer : un espace cosmopolitique

Le compositeur romantique italien, Giuseppe Verdi (1813-1901) réalise l’opéra Aïda en 1871, à la suite du percement du canal de Suez, un événement aux enjeux économiques, politiques et environnementaux importants. Il a notamment permis de faciliter les transits de marchandises entre l’Europe et l’Asie, sans contourner l’Afrique[1]. Cette œuvre caractéristique d’une période impérialiste raconte l’histoire d’amour entre Radamès, capitaine égyptien et Aïda, esclave éthiopienne. Celui-ci devra commander les troupes égyptiennes dans la guerre contre l’Éthiopie dont certains habitants sont faits esclaves. L’histoire est marquée par des conflits et des relations de pouvoir entre les peuples africains, qui rappellent l’assujettissement des colonies de l’Europe du XIXe siècle.

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Hippolyte et Aricie – une histoire de nature et d’amour au temps du COVID-19

Hippolyte et Aricie, le premier opéra composé par Jean-Philippe Rameau, créé en 1733 en suscitant nombreuses réactions et la fameuse querelle entre des Lullystes et des Ramistes, c’est-à-dire entre les Anciens et les Modernes, a été préparé pendant près de deux ans pour être présenté sur la scène de l’Opéra-Comique pendant la saison 2020/2021. Néanmoins, malgré l’espoir longtemps maintenu, la deuxième vague du COVID-19 a presque empêché le public parisien de voir cette production. L’équipe artistique menée par la metteuse en scène Jeanne Candel et le chef d’orchestre Raphaël Pichon a fait une vaste recherche dramaturgique et musicale avant de commencer à envisager cette production, qui a finalement eu lieu dans le seul format possible alors – filmé dans la salle vide et diffusé sur le site officiel de l’Opéra-Comique et sur Arte Concert.

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Violetter Schnee : quelle apocalypse ?

À l’ouverture de Violetter Schnee (Neige violette), opéra du compositeur suisse Beat Furrer mis en scène par Claus Guth (sur un livret de Händl Klaus), les spectateurs découvrent, en lieu et place du cadre de scène, une sorte d’immense tableau noir, entouré d’un cadre luminescent. Les deux éléments principaux de la mise en scène sont ainsi d’ores et déjà présents : la peinture, l’apocalypse qui amène au « vide incommensurable[1] », et donc au noir. Puis, alors que monte de la fosse d’orchestre la musique du prologue, ce monochrome noir se colore peu à peu, se transformant en une peinture vert-de-gris évocatrice du tachisme d’un Morris Louis. À peine avons-nous eu le temps d’absorber cette première vision que le metteur en scène procède à une lente mise au point de l’image – en fait projetée sur un écran transparent en avant-scène – jusqu’à ce que qu’apparaisse finalement les Chasseurs sous la neige, tableau peint par Peter Brueghel l’Ancien en 1565 qui représente un village sous la neige lors d’un glacial après-midi de janvier. Ces deux images – le brouillard vert-de-gris et le tableau de Brueghel – sont des survivances de l’œuvre qui a inspiré l’opéra : le film Solaris du réalisateur russe Andreï Tarkovski. Beat Furrer explique ainsi lors d’une interview : « Nous sommes partis d’un seul plan du film Solaris d’Andreï Tarkovski : une vue de la planète inconnue, un brouillard qui se déplace lentement, une obscurité qui attire littéralement le spectateur[2]. » Et c’est bien ce que propose à chaque instant la mise en scène de Claus Guth : attirer les spectateurs dans un espace inconnu où la planéité de la peinture fusionne avec l’espace de la scène, et dans un temps inconnu où l’immobilité du tableau ralentit les mouvements des chanteurs. C’est dans cet espace-temps inconnu et nouveau que se déroule le drame apocalyptique du duo Sorokine-Händl[3].

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Comment rester vivant.es ?

En novembre dernier, dans la tourmente du reconfinement, cette question contenait toutes les autres. La précarité à laquelle les élèves faisaient face, dans un quotidien inédit qui s’installait pour durer, doublée des affres d’une vie professionnelle d’avance marquée du sceau d’une crise économique et culturelle sans précédent, laissait peu de place à une réflexion de fond. Le temps lui, pourtant, nous en était donné. Nous sommes parvenu.es à tordre le cou rapidement à la question de l’utilité, du sens, qui ne pouvait se poser vraiment, tant elle était chahutée par un brouhaha sur l’essentiel et l’inessentiel qui, saturant les réseaux sociaux, risquait de nous arrêter définitivement dans un aquoibonisme d’hibernation. J’ai assumé qu’il n’y a pas de civilisations sans histoires, et que c’est à nous de tenir les contes. Les élèves ont eu la grâce d’accepter cette prémisse. Nous nous sommes donc penché.es sur les gestes qui demeuraient possibles, et, à nous, nécessaires dans ce monde de barrières.

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Pour une écologie des affects.

Pour en savoir plus sur les scènes brésiliennes contemporaines, découvrez notre publication de juillet 2021 !

http://www.alternativestheatrales.be/catalogue/revue/143

Entretien avec Tania Alice

En tant qu’artiste-chercheuse engagée dans la pratique, la recherche et l’enseignement des arts du spectacle et, en particulier, de la performance, tu développes, à l’Université Fédérale de l’État de Rio de Janeiro (UNIRIO) des recherches avec le Collectif « Performers sans Frontières » qui possède une ramification en France et peut-être, bientôt, en Belgique. À travers ce dernier, il s’agit de mener des actions artistiques dans des zones de trauma. Comment est née cette approche artistique spécifique ?

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Des micro-îles de (dés)ordre dans l’urbe néolibérale

Pour en savoir plus sur les scènes brésiliennes contemporaines, découvrez notre publication de juillet 2021 !

http://www.alternativestheatrales.be/catalogue/revue/143

Peu de travaux existent vraiment sur les formes scéniques qui prennent place dans la rue, sauf à prendre en compte ceux qui décrivent des processus artistiques en les évaluant au regard des critères des études théâtrales qui concernent majoritairement le « théâtre en salle ». Or, selon nous, certaines pratiques brésiliennes de rue de la dernière décennie[2] peuvent nous conduire à questionner autrement notre rapport au théâtre, et peut-être à considérer les expériences en milieu urbain comme une pratique sous le principe du (dés)ordre créateur. C’est-à-dire, et ce sera l’objet de cet article, la mise en place d’un ensemble de conditions pour un usage spatial différent de la ville, peut-être plus sauvage, plus nomade, plus ouvert à l’inattendu.

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Le théâtre et le monstre : notes préliminaires pour une socio-économie du théâtre brésilien

Pour en savoir plus sur les scènes brésiliennes contemporaines, découvrez notre publication de juillet 2021 !

http://www.alternativestheatrales.be/catalogue/revue/143

Quand nous essayons de réfléchir à la socio-économie du théâtre brésilien, nous sommes confrontés à deux vérités supposément éternelles. D’un côté, nous apprenons que le théâtre et l’économie sont deux champs opposés. Selon cette perspective économique, le théâtre appartient à un secteur archaïque tandis que le secteur progressif, fondé sur les gains de productivité grâce aux technologies, représente la quintessence économique. Cette dichotomie entre un secteur économique archaïque et un autre progressif s’est cristallisée dans les études que les économistes nord-américains William Baumol et William Bowen ont menées dans les années 1960[1] notamment dans leur livre Performing Arts – the economic dillema. Nous comprenons le dilemme rapporté par le titre du livre comme une décision fatale : ou le théâtre disparaît, à cause de la « maladie des coûts », ou l’économie en général arrête de grandir, parce que la croissance du secteur progressif sera neutralisée par la stagnation du secteur archaïque.

La deuxième vérité à laquelle nous devons nous confronter est celle du rôle de l’État. Comme le théâtre ne survit pas tout seul dans l’économie, il a besoin de l’aide publique. L’État doit donc fonctionner comme une sorte de père du théâtre en donnant toutes les conditions et ressources nécessaires aux pratiques théâtrales. Les politiques culturelles doivent garantir les équipements, les lieux, les professionnel.le.s, les publics, etc. La maintenance et la permanence du théâtre sont, dans cette perspective, un but gouvernemental.

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