Mercredi 11 juillet
C’est avec enthousiasme que je me suis rendu à la cour de l’archevêché en arrivant à Aix.
Katie Mitchell m’a tant de fois fasciné lors d’autres festivals où me furent révélés l’extraordinaire création de Written on skin (1) de George Benjamin en 2012, l’approche singulière en opéra de cantates de Bach avec Trauernacht en 2014 et l’éblouissant Alcina de Haendel en 2015. (2)
On retrouve dans cet ouvrage de Richard Strauss toute la maîtrise que Katie Mitchell possède des mouvements scéniques et de l’occupation de l’espace. La cour de l’archevêché ne permettant pas la profondeur qu’on trouve habituellement dans les théâtres d’opéra, elle a, avec sa scénographe Chloe Lamford, opté pour un travail sur la latéralité et, comme à son habitude, divisé la scène en deux parties, les protagonistes se faisant face la plupart du temps pour les besoins d’un propos dont le fil, qui malheureusement m’est resté obscur tout au long de la représentation, prend appui sur une dialectique qui fait s’entremêler les genres (masculin/féminin/travesti), les formes (tragédie, bouffonnerie), les voix (parlées et chantées).
La mise en abîme de l’ensemble de la représentation peut attiser un temps la curiosité – les spectateurs regardent d’autres spectateurs sur la scène qui eux-même regardent la scène que l’on regarde ; une cheffe d’orchestre sur le plateau reproduit plus ou moins la gestuelle du chef d’orchestre dans la fosse, etc.
Las, au fur et à mesure du développement de « l’action », la multiplicité des références qui, même en ayant eu soin de préparer la vision de l’opéra par sa mise en contexte historique et dramaturgique, m’ont semblé souvent nébuleuses et m’ont progressivement entraîné dans un ennui, qui est, comme nous l’a enseigné Peter Brook, le diable au théâtre !
Est-ce la superposition des complexités, celle de la musique, celle du livret d’Hofmannsthal et celle un peu gratuite de la mise en scène qui ont entraîné ma déception ?
Je n’ai pas trouvé de réponse à la question de savoir quel intérêt il y avait à monter cet opéra aujourd’hui… Certes de temps à autres, de belles images, l’exécution musicale tout en finesse de la partition par l’orchestre et la qualité des voix – tout particulièrement la Zebinetta de Sabine Devieilhe – ont relancé mon intérêt, mais cela n’a pas suffi à emporter mon adhésion et surtout à me procurer de l’émotion.
(1) Written on skin, un chef d’oeuvre de feu et de glace, Alternatives théâtrales n°115, novembre 2012 (2) Alcina et le pouvoir des femmes, Alternatives théâtrales n°126-127, octobre 2015
Ariadne auf Naxos de Richard Strauss, livret de Hugo Von Hofmannsthal, opéra en un acte précédé d’un prologue, mise en scène Katie Mitchell, direction musicale Marc Albrecht, décor Chloé Lamford, avec Lise Davidsen, Eric Cutter, Sabine Devieilhe, Angela Brower, Josef Wagner, Rupert Charlesworth, Huw Montague Rendall, Jonhatan Albernethy, Emilio Pons, David Shipley, Beate Mordal, Andrea Hill, Elena Galitskaya, Peter Moen, Jean-Gabriel Saint Martin, Sava Vemic, Mais Solbach, Paul Herwig, Julia Wieninger. Du 4 au 16 juillet 2018 dans le cadre du Festival International d'art lyrique d'Aix en provence, avec l'orchestre de Paris.