En 1980, l’Ensemble théâtral mobile, dirigé par Marc Liebens, reprend sa mise en scène de « Hamlet-Machine » de Heiner Müller, créé deux ans plus tôt. Dans le cadre de la préparation de cette reprise, Michèle Fabien, dramaturge de l’ETM, entame une correspondance avec Bernard Dort, publiée dans le numéro 3 d’Alternatives théâtrales en février 1980. Partie 1/2.
Bruxelles, le 11 novembre 1979.
Cher Bernard Dort,
Hamlet-Machine
Heiner Müller
H… M…
Tout texte s’inscrit dans un espace inauguré par son titre et clôturé par le nom de son auteur… Il ne me paraît pas gratuit de commencer cette correspondance par le rapprochement de ce qui se trouve, normalement, séparé par le texte.
H. M. se divise en deux.
N’est-ce pas une façon d’entrer dans le vif du sujet? Le sujet, dans le texte, n’est-il pas questionné à vif ?
D’ailleurs, au tout début du travail dramatique, nous avons pensé que ce texte pouvait être joué par un seul comédien ou par 25 personnes (si pas 25, 36, ou 5, ou 7…).
Question un peu académique : finalement, pour des raisons économiques, nous avons opté pour une partition à deux voix: une voix d’homme et une voix de femme. Mais avec des moyens financiers, la question resterait valable. Müller, il me semble, met ici en cause, et d’une façon radicale, la notion même de distribution: impossible, dans Hamlet-Machine, d’attribuer le rôle d’un personnage à une personne de comédien. S’il y a une voix d’homme et une voix de femme, d’entrée de jeu, comme personnages, elles se définissent par ce qu’elles ne sont pas/plus: «J’étais Hamlet… » c’est donc qu’il ne l’est plus ; «Je suis Ophélie que la rivière n’a pas gardée», tout le monde sait qu’une Ophélie qui ne serait pas noyée ne serait plus tout-à-fait une vraie Ophélie.
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