À propos des Mooc,  proposés par l’école Charles-Dullin

Entretien

À propos des Mooc,  proposés par l’école Charles-Dullin

Le 6 Nov 2018
Claire David. Photo DR.
Claire David. Photo DR.

Claire David est à la direc­tion des édi­tions Actes Sud-Papiers depuis trente ans. Elle côtoie et accom­pa­gne, en tant qu’éditrice, le théâtre d’aujourd’hui tant du point de vue des auteurs dra­ma­tiques, des met­teurs en scène – en pub­liant leurs essais – que des artistes plus sin­guliers, avec des beaux livres. Le cat­a­logue de plus de 1 000 titres témoigne d’une his­toire con­tem­po­raine du théâtre. Anci­enne élève de l’école Charles-Dullin, elle est en par­tie à l’origine de son nou­veau pro­jet et en dirige la ligne édi­to­ri­ale et artis­tique.

Sylvie Mar­tin-Lah­mani : Ce pro­jet est créé au sein de l’école Charles-Dullin, dans le sil­lon d’un homme de théâtre qui avait créé en 1921 L’Atelier comme un « lab­o­ra­toire d’essais dra­ma­tiques ».

Claire David : Ce pro­jet est effec­tive­ment né au sein de l’association Charles-Dullin, cette struc­ture imag­inée par Charles Dullin (1885 – 1949) pour fonder une for­ma­tion d’acteurs, et qui a vécu depuis une his­toire fort longue et mou­ve­men­tée. Pour en savoir plus sur cette his­toire, vous pou­vez vision­ner sur notre site plusieurs enreg­istrements audio-visuels, por­tant à la fois sur la genèse de l’école et sur le pro­jet de cet homme qui a tou­jours cher­ché un nou­veau théâtre. Ayant moi-même suivi cet enseigne­ment il y a env­i­ron vingt-cinq ans, on m’a recon­tac­tée en 2005 – 2006, à un moment où l’école tra­ver­sait de gross­es dif­fi­cultés notam­ment finan­cières. Après une inter­rup­tion douloureuse en 2011 (fer­me­ture, licen­ciements de pro­fesseurs et vente de locaux…), on s’est retrou­vés avec une asso­ci­a­tion qui sera vieille d’un siè­cle en 2021, et l’envie de pour­suiv­re l’aventure autrement. A force de réu­nions de développe­ment et de réflex­ion, avec Isabelle Cen­si­er (aujourd’hui prési­dente, après avoir été élève puis pro­fesseure à l’école Charles-Dullin), nous avons pu réper­to­ri­er les man­ques en ter­mes de for­ma­tion théâ­trale en France. Nous avons d’abord observé les écoles d’acteurs qui sont très nom­breuses et sou­vent très incar­nées et indi­vid­u­al­isées. C’est après deux ans de réflex­ion, en 2013, que nous avons eu l’idée d’une asso­ci­a­tion de type privé, qui pro­poserait des for­ma­tions à la mise en scène à tous ceux qui la pra­tiquent de façon intu­itive, puisqu’il n’existe pas vrai­ment de for­ma­tion à la mise en scène. Il existe bien sûr des for­ma­tions supérieures, avec un nom­bre lim­ité de places pour le par­cours de met­teur en scène, six places au Théâtre Nation­al de Stras­bourg (TNS), cinq à l’École Nationale Supérieure des Arts et Tech­niques du Théâtre (ENSATT)… Il y avait encore l’Institut Nomade de la mise en scène qui était inté­gré au Con­ser­va­toire d’Art Dra­ma­tique, et aus­si quelques mas­ters dans des uni­ver­sités d’études théâ­trales, mais ces for­ma­tions sont finale­ment réservées aux cir­cuits de l’excellence, aux élèves qui réus­sis­sent des par­cours d’études, et pas à l’ensemble des prati­ciens. Je pense au théâtre ama­teur. Quinze mille troupes ont été recen­sées ! Il faut bien à un moment don­né qu’ils aient affaire à un met­teur en scène. Je songe aux cir­cuits de l’éducation artis­tique, aux pro­fesseurs qui font des spec­ta­cles dans leur classe, aux artistes étrangers… On s’est dit que toutes ces per­son­nes n’avaient pas d’outils pour réfléchir à leur pro­pre pra­tique. D’où l’idée de faire une for­ma­tion sans fron­tières, en util­isant des moyens numériques. D’où l’idée des Mooc, mis en œuvre en jan­vi­er 2018. Cet acronyme sig­ni­fie « Mas­sive Open Online Course » que l’on peut traduire par « cours en ligne ouvert et mas­sif ». Il s’agit d’un for­mat qui per­met, sur inscrip­tion, d’obtenir un cer­tain nom­bre de mod­ules gra­tu­its, puis de mod­ules payants qui don­nent accès à des lab­o­ra­toires, un ensem­ble d’activités péd­a­gogiques pour aller plus loin sur dif­férents élé­ments de savoir abor­dés lors des pre­miers cours. Les mod­ules gra­tu­its cor­re­spon­dent plutôt à la par­tie théorique, et les autres à des lab­o­ra­toires.

D’une durée de six semaines, chaque Mooc est suivi de deux semaines d’évaluation par les pairs. Cha­cun des met­teurs en scène inscrits com­mente les trois pro­duc­tions de ses con­frères, eux aus­si des met­teurs en scène apprenants, qui auront à leur tour trois retours sur leur tra­vail. Avec cette for­ma­tion, il nous importe d’offrir un cadre pour réfléchir, tout en sachant qu’il n’y a pas de vérité défini­tive en matière de mise en scène… Chaque semaine, les par­tic­i­pants reçoivent un mod­ule com­posé de qua­tre épisodes de cours théoriques, com­plété en for­mule payante par une inter­view de met­teur en scène spé­ci­fique et une activ­ité péd­a­gogique. La six­ième semaine est con­sacrée à un ren­du en ligne suivi de deux semaines d’évaluation entre pairs. Le Mooc est ensuite fer­mé et une autre ces­sion démarre un mois et demi plus tard.

S.M.L. : D’un point de vue matériel, quels sont les besoins tech­niques ?

C.D. : Cha­cun a besoin d’une con­nex­ion inter­net, d’un ordi­na­teur et d’un télé­phone portable, pour filmer par­fois des répéti­tions, ou lire une pièce fournie en PDF. C’est tout, il n’y a pas d’autres préreq­uis. À la fin du par­cours, nous remet­tons une attes­ta­tion de réus­site aux par­tic­i­pants qui ont suivi l’ensemble du Mooc. Ce qui leur per­met, grâce à l’école Charles-Dullin, d’obtenir par la suite dif­férentes propo­si­tions de stages (assis­tanat à la mise en scène, pos­si­bil­ité de faire par­tie d’un jury…), en fonc­tion des parte­naires en cours. Nous pro­posons une véri­ta­ble école du regard, et con­sid­érons que ques­tion­ner sa pra­tique, c’est affirmer son style et ses pro­pres choix. Six points fon­da­men­taux sont ain­si abor­dés : la ques­tion de la direc­tion d’acteurs, de l’espace, du méti­er de met­tre en scène (finale­ment arrivé tar­di­ve­ment, à la fin du XIXe, début XXe siè­cle)…

S.M.L. : À ce sujet, vous abor­dez le méti­er de met­teur en scène dans le domaine du théâtre de texte exclu­sive­ment ?

C.D. : Non, on s’intéresse glob­ale­ment à toutes les créa­tions scéniques d’aujourd’hui, mais on n’écrit pas néces­saire­ment de Mooc pro­pre à chaque forme. Nous évo­querons des pra­tiques spé­ci­fiques (la créa­tion radio­phonique, le théâtre jeune pub­lic ou le théâtre de mar­i­on­nettes, par exem­ple) sur notre site, sous forme de con­férences ou de mas­ter class d’ici peu (c’est en cours de pro­duc­tion).

S.M.L. : On s’est arrêtées au troisième point, peux-tu nous présen­ter les autres ?

C.D. : Oui, il s’agit de l’atelier du spec­ta­teur, une réflex­ion théorique et his­torique sur les publics, qui inter­roge la mise en scène. Leurs rôles et leurs places ont con­sid­érable­ment évolué au fil du temps : par­fois silen­cieux et mobiles, par­fois bavards et par­tic­i­pat­ifs, inclus ou non dans des dis­posi­tifs immer­sifs… On s’intéresse aus­si, évidem­ment, à la ques­tion de la lec­ture du théâtre, des textes dra­ma­tiques, allant jusqu’aux nou­velles dra­matur­gies. Et enfin, le six­ième Mooc est con­sacré à la con­cep­tion et à la direc­tion de pro­jets, c’est-à-dire aux aspects pra­tiques du méti­er (droits d’auteurs, statut des inter­mit­tents, créa­tion d’une asso­ci­a­tion…).

En plus des Mooc, nous offrons un grand nom­bre de ressources à con­sul­ter en ligne (sur notre site et sur celui du Con­ser­va­toire), con­férences sur les pra­tiques con­tem­po­raines de la mise en scène  (en col­lab­o­ra­tion avec le Con­ser­va­toire nation­al d’art dra­ma­tique de Paris), des ren­con­tres avec des met­teurs en scène (en col­lab­o­ra­tion avec la Comédie de Saint-Éti­en­ne/à venir début 2019), des pub­li­ca­tions en lien avec les thèmes des Mooc.

Entretien
Claire David
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Écrit par Sylvie Martin-Lahmani
Pro­fesseure asso­ciée à la Sor­bonne Nou­velle, Sylvie Mar­tin-Lah­mani s’intéresse à toutes les formes scéniques con­tem­po­raines. Par­ti­c­ulière­ment atten­tive aux...Plus d'info
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