Une mère, représentée par un masque qu’endossent tour à tour les six comédiens, cherche son fils disparu, dans une quête qui la mène aux confins du monde des vivants. Guidée par son inlassable amour et sa souffrance vive, elle sacrifiera dans ce sombre voyage des morceaux d’elle-même, déterminée à affronter la Mort qui lui a ravi sa raison de vivre.
Toute la pièce baigne dans les métaphores, les allégories et les références : les fleurs, omniprésentes, pour figurer les morts ; les tamis, qui dans la culture arabo-musulmane renvoient à des rituels de protection ; les longues robes blanches des comédiens, évoquant les vêtements des derviches tourneurs… Sans compter les cercles, la lumière, la musique, qui nimbent l’ensemble d’une atmosphère teintée d’ésotérisme et de sensualité cosmique. Dans cette narration imprégnée de merveilleux, se glissent ponctuellement des bribes de récits intimes, échos de souvenirs personnels vécus dans un Moyen Orient tissé de violence et de chaos.
Est-ce la méconnaissance de l’imaginaire et des codes culturels ici mis à l’honneur ? La difficulté à faire tenir ensemble la trame du conte et les expériences contemporaines de la mort et de la perte, dans une région si souvent à feu et à sang ? Le flottement entre la fable initiatique fantastique, le poème mystique et le témoignage ? Toujours est-il qu’il est bien difficile de pénétrer dans ce jardin et d’y suivre un sentier, tant les pistes esquissées semblent se dérober une à une. Le texte, elliptique et très imagé, offre peu de prises à la compréhension.
Reste le corps, qui donnait le meilleur dans Above Zero : le spectacle frappait par la vitalité furieuse des gestes, des bruits, des sursauts, vibrants témoins de la violence et de la cruauté ordinaires. Explorant ce que la guerre fait au corps, la pièce éclatait de panique et de beauté sauvage, faisant oublier ses maladresses. Le rythme est ici tout autre et on ne peut reprocher à Ossama Halal d’explorer une autre énergie. Malheureusement, elle semble avoir cette fois-ci déserté les corps. S’égarant dans une parole trop verbeuse, englouti par un symbolisme insistant, ce jardin des morts nous laisse de l’autre côté, avec des regrets. Les moments les plus physiques, en effet – la dernière scène donne enfin l’impression de libérer ces jeunes d’aujourd’hui de leurs habits grandiloquents – laissent entrevoir la générosité et la cohésion du collectif. Quand ils répètent un geste infime et l’amplifient, yeux exorbités, mains qui claquent, on a envie qu’ils abandonnent leurs masques, leurs robes blanches et leurs métaphores. Qu’ils redeviennent bruts et sonores, et nous racontent le fracas urgent de leur jardin à eux.
The Other Side of the Garden Au Théâtre National Wallonie-Bruxelles Metteur en scène et scénographie: Ossama Halal D’après le conte « L’Histoire d’une mère »; Hans Christian Andersen Dramaturge : Alaa Aldin Alaalem & Hisham Hmedan Marionnette, masques et accessoires: Natacha Belova & Loïc Nebrada Avec : Hamza Hamadeh, Sara Mashmoushy, Sara Zein, Seba Kourani, Shadi Mokresh, Stéphanie Kayal Composition et performance musicale : Singhkeo Panya Costumes: Nicole Moris Photographie et vidéo: Ziad Al Halabi Direction technique: Karam Abu Ayash Assistant à la mise en scène: Muhannad Samman & Tamim Sabri Interprète : Awni Daibes Régisseur général : Michel Ransbotyn Régie lumière : Isabel Scheck Régie son : Pawel Wnuczynski Régie plateau: Stéphanie Denoiseux Administration : Koon Theater Group, Rime Khatab Création: Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles Production: Théâtre National Wallonie-Bruxelles Décor et costumes: Ateliers du Théâtre National Wallonie-Bruxelles Coproduction: les ballets C de la B Avec le soutien de: Zoukak Theater Company, Institut français du Liban