« … vivre et boire la vie jusqu’à la lie: pourvu, pourvu que je n’arrête pas de penser, et ne me mette pas à subir, par aveuglement, par appréhension! Je veux goûter et célébrer chaque jour, et ne jamais avoir peur d’une expérience douloureuse ; ne jamais m’enfermer dans un noyau de torpeur insensible, garder une attitude critique face à la vie, me poser des questions, et ne jamais choisir la solution de facilité. Apprendre à penser, penser à vivre, vivre pour apprendre – avec une perspicacité, une compréhension et un amour toujours neufs ». Sylvia Plath, Journaux (1950-1962), Gallimard.
Sylvia Plath a traversé comme une météore la poésie américaine. Née aux États-Unis dans le Massachusetts, sa vie trop courte n’aura pas été une entrave à une œuvre ample, puissante et intense. Précoce, elle publie son premier poème à l’âge de 8 ans dans le Boston Herald. Peu après, son père, émigré allemand et universitaire renommé qui aura une grande influence sur son œuvre, meurt. Elle aurait déclaré en l’apprenant : « je ne parlerai plus jamais à Dieu ». Elle suit une formation en littérature qui la mènera grâce à des bourses dans les établissements les plus prestigieux des États-Unis. Très tôt reconnue, elle devient pour un mois « guest editor » du magazine « Mademoiselle ». C’est à cette époque qu’ elle fait en 1953, à l’âge de 21 ans une première tentative de suicide. Après un séjour en hôpital psychiatrique où elle est traitée par électrochocs (elle relatera cette expérience dans son roman The bell Jar « la cloche de détresse »), elle poursuit ses études de lettres qu’elle termine brillamment en Amérique avant de les poursuivre à Cambridge en Angleterre où elle publie ses poèmes dans la revue de l’Université et où elle rencontre son mari le poète Ted Huggs qu’elle épouse en 1956. Ils retournent ensemble aux États-Unis où Sylvia achève sa maîtrise. Après la publication de son premier livre de poèmes The collossus, (1962) le couple se sépare et Sylvia retourne en Angleterre avec ses deux enfants. Un mois après la publication de The bell Jar, elle fera, à 30 ans, le 11 février 1963, une nouvelle tentative de suicide, qui, cette fois, aboutira.
Les journaux qu’elle a tenus entre 1950 et 1962, publiés en français chez Gallimard, sont le témoignage poignant de la vie de l’artiste et de son désir d’absolu.
Fabrice Murgia s’est emparé de cette vie hors norme pour en faire un spectacle qui oscille entre théâtre et cinéma (réalisation d’images toute en finesse de Juliette Van Dormael).
En présentant Ted Huggs comme personnage secondaire, masqué et un peu falot, il prend parti pour Sylvia Plath qui devient la figure emblématique d’un féminisme poétique; il a en même temps la belle idée de donner à voir ce personnage complexe à travers le prisme de neuf comédiennes qui abordent les différentes facettes d’une personnalité contradictoire et complexe dont le moteur était le désir d’écrire, tout en voulant être une mère parfaite et une épouse irréprochable…
En associant à la création du spectacle la chanteuse/pianiste An Pierlé et ses musiciens, le spectacle s’assure une dimension supplémentaire, la personnalité et la voix d’An Pierlé donnant aux mots de Sylvia Plath une vibration poétique bouleversante.
La mise en scène de Fabrice Murgia est comme à l’habitude très (trop ?) maîtrisée dans ses dimensions technologiques, scénographiques et visuelles.
Il donne surtout envie de se plonger dans les poèmes de Sylvia Plath. En cela, il gagne un beau pari !
Sylvia, mise en scène Fabrice Murgia, musique An Pierlé Quartet, (Koen Gisen, Hendrik Lasure, Casper Van de Velde). Avec Valérie Bauchau, Solène Cizeron, Vanessa Compagnucci, Vinora Epp, Léone François, Magali Pinglaut, Ariane Rousseau, Scarlet Tummers. Au Théâtre National à Bruxelles jusqu’au 18 octobre. En tournée durant la saison 2018/2019 à Vitry-sur-Seine, La Louvière, Draguignan, Sainte-Maxime, Mons, Anvers et Rotterdam.
à lire, en lien: La dernière lettre de Silvia Plath, dans une traduction de Pierre Vinclair, sur Poézibao.