Trois petits cochons vivent modestement dans un appartement bruxellois délabré. « Darius, Stan et Gabriel ». Darius c’est le plus âgé, hard rockeur au chômage ; ensuite il y a Stan, trentenaire nerveux et Gabriel, jeune étudiant aux Beaux-Arts. Leur situation précaire ne s’arrange pas avec l’arrivée du parasite-Benoît, un vieil ami de Darius, devenu SDF qui s’installe progressivement dans l’appartement jusqu’à se construire une petite cabane au milieu du salon.
La Belgique est en crise. L’Europe est en crise. C’est le constat de nos camarades. Si le grand méchant loup est absent du spectacle, c’est la crise en personne qui toque à la porte et les chasse de leur appartement. Pour continuer à vivre dignement, il ne leur reste plus qu’à fuir et retrouver le paradis perdu, loin de l’Europe. Dans un songe utopique et naïf, ils rêvent de s’expatrier au Mali où la vie leur paraît simple et heureuse. Un beau jour, nos trois pieds nickelés décident alors de faire leurs valises et s’engagent sur l’autoroute, direction : « LE SUD ».
À l’origine, il y a le désir de parler de la crise. « Parler de la crise, c’est vaste, ça ne fait pas un spectacle ! », remarque Claude Schmitz en souriant. Toute la difficulté est d’écrire une fable, de trouver une possible métaphore du sujet qu’il aborde. Pour imaginer son scénario, il s’empare d’une histoire qui est réellement arrivée à l’un des comédiens dans sa colocation. En mêlant ce fait divers à la fable des trois petits cochons, il lui donne l’amplitude d’un conte et l’anecdote devient alors une potentielle métaphore de la crise. Partant d’une situation réaliste, Claude parvient à ménager une dimensions fabuleuse si bien qu’une tension est maintenue entre la fable et le réel sans jamais basculer d’un côté ou de l’autre.
Si la fable est essentielle, c’est qu’elle devient dès lors la possibilité pour que la trivialité de cette situation prenne une dimension mythique. En effet, Claude pousse les acteurs à se cantonner au plus près du réel car c’est la trivialité qui fait naître la fable, c’est ce qui la rend crédible et lui donne de la chair. Et s’il propose à des personnes qui ne sont pas des acteurs de formation de participer au projet, c’est parce qu’il veut travailler avec ce qu’ils sont dans la réalité. Dès le premier jour des répétitions, il raconte très précisément son scénario, tout en ajoutant qu’aucun des dialogues n’est écrit à l’avance. Il ne choisit pas ses interprètes pour composer un rôle mais bien pour créer un personnage avec eux. Travailler avec Olivier Zanotti, Clément Losson, Patchouli et Francis Soetens c’est donc travailler à partir d’eux, avec ce qu’ils sont, avec ce que leurs corps racontent. L’origine du projet c’est aussi et surtout les acteurs, comme le précise Claude : « Je ne pense pas à des personnages quand je travaille avec eux. Je pense à eux et donc je pense à la situation dans laquelle je les mets. J’essaye d’être sensible à ce qu’ils vivent réellement dans la vie, à ce qu’on vit ensemble et de construire à partir de ça. Je compose à partir d’eux. Le réel est là, à l’origine. Ce n’est pas comme si j’inventais une histoire qui était déconnectée de la réalité et qu’après j’allais choisir des acteurs et que je leur demandais de composer à partir de ça. Tu es donc obligé de tordre ton histoire, ou en tout cas de travailler avec les deux. »
Aux frontières de la réalité et de la fiction, Claude Schmitz construit des passerelles entre les personnes avec qui il choisit de travailler et la fable qu’il écrit. À la recherche d’une parabole pour parler de la crise, il puise dans une matière brute pour en révéler l’essence. Il parvient ainsi à nous plonger au coeur d’un microcosme aussi réaliste qu’extravagant, métaphore de l’absurdité de différentes situations de crise en Europe.
Darius, Stan et Gabriel contre le monde méchant Avec : Marc Barbé, Lucie Debay, Clément Losson, Patchouli, Olivier Zanotti, Francis Soetens. Mise en scène : Claude Schmitz | Dramaturge : Judith Ribardière | Assistante lumière et stagiaire à la mise en scène : Judith de Laubier | Stagiaire à la scénographie : Jade Hidden | Stagiaire aux accessoires : Camille Chateauminois | Scénographie : Boris Dambly | Maquette : Nora Kaza Vubu | Création Sonore et Musique Originale : Thomas Turine | Lumières : Octavie Piéron | Image : Florian Berutti | Direction technique : Fred Op de Beek | Construction du décor : Fred Op de Beeck, Yoris Van de Houte, Alocha Van de Houte, Olivier Zanotti et Jade Hidden | Sculpteur - Peintre : Laurent Liber, Boris Dambly et Guillaume Molle. Avec la participation amicale de Drissa Kanambaye et Djeumo Sylvain Val. Production déléguée : Halles de Schaerbeek. Coproduction : Comédie de Caen, Compagnies Paradies Avec l’aide de la Fédération Wallonie Bruxelles, service Théâtre. Et le soutien du théâtre Océan-Nord. Avec l’aide de la Fédération Wallonie Bruxelles, Service Théâtre.
À lire dans le n°120 d'Alternatives théâtrales (avril 2014) : Claude Schmitz, croire en sa fiction - Entretien avec le metteur en scène bruxellois, auteur d’une œuvre ambitieuse et protéiforme, réalisé par Antoine Laubin
Claude Schmitz parle du spectacle (vidéo)