Dès le titre, le ton est donné. D’entrée de jeu ça s’excite, ça s’exit, ça va vite, car ça urge de continuer à se rebeller. Appels entrants/sortants, ça se veut bousculant (au propre comme au figuré), mauvais(e) élève, DICtée ratée, pas en rang, ça fonce dans le TAS ! Bref, trublion et carrément punk. Qui dit cirque contemporain dit « nouveaux clowns » (cf. les travaux de Delphine Cézard). Ça va fort et forcément haut : le mât chinois comme repère imperturbable parmi tout ce bazar, élément à défier/déifier/devant lequel il faut défiler, l’autre avec qui il faut dialoguer, établir le contact, histoire d’être dans une verticalité on ne peut plus logique, ordonnée et sereine (sociale ?), être raccord et déserter un tant soit peu ce continuel champ de bataille qu’est notre désir profond, animal. Alors oui, on est mal…
Dick/tâte, ou l’envie du pénis prise à contrepied (!?)… Ça va loin, peut-être, mais assumer après tout de ne pas choisir entre femme fatale désespérée et garçon désarçonné sans sa petite cédille, se faire porte-serviette et s’autoriser les deux. Au-delà du miroir et dépasser ce stade-là, le double comme fil rouge du spectacle ; entre duo-schizo et diptyque infernal, le reflet à guetter/à zapper, l’habit qui ne fait pas le moine, ni l’aumône. De l’anti-pole dance en pole position pour mieux jongler entre séduction et répulsion, ironie et autodérision, humour et émotion. Les codes théâtraux mis à «mâle», sur fond de Suicide, Bob Telson/Jevetta Steele (mais si, la chanson-phare du film Bagdad Café) et autres envolées lyriques. Car au-delà de la question du genre -somme toute symptomatique mais loin d’être anecdotique-, c’est un autre couple qui est questionné : spectateurs à l’heure et comédiens-comédons, euh pardon, regardant(s)/regardé(e), et qui gardera le troupeau au fait ? Explorer les différents postes, développer son ubiquité et se jouer des postures, interpeller, créer de l’interactivité, et ma foi un peu de tendresse entre la fosse et soi, et peu importe où l’on se trouve. La scène comme un ring, et grimper sans filet, sans protections. Au-delà des pratiques hygiénistes, voir l’acrobatie comme un sport de combat de tous les instants, une sociologie en devenir, une autoanalyse latente. Se lancer le défi de voltiger dans les airs ? Entre moments de grâce et grotesque, forcément. Mais chut.
Découvert sur la scène du Théâtre d’Arras/TANDEM en février dernier, ce premier solo concocté par Sandrine Juglair a de quoi surprendre et déconcerter. Cependant, aussitôt fini qu’on voudrait le voir recommencer. Temps distendu, DIKTAT/tic-tac, touche repeat enfoncée, inexorablement cyclique. La jeune circassienne au parcours déjà impressionnant (Cirque Plume, Cahin-Caha, La Scala ou encore lauréate Circus Next 2016) flirte ici avec la performance et le burlesque et manie la distanciation brechtienne avec panache. Le tout autour de ce mât-totem donc ; entre danse de sioux et escalades intempestives, la victoire de grimper dessus armée de la panoplie robe et talons, la figure-peinture de guerre ou la crinière androgyne, à la fois féline et primitive. Une attaque massive, autant vous prévenir.
Les prochaines dates de DIKTAT : 13 octobre 2017 > Théâtre d’Arles 15-16 février 2018 > La Batoude, Beauvais 1er mars 2018 > Mâcon Scène Nationale 15-25 mars 2018 > Le Monfort, Paris