– Tu as vu ? Le grand-père de la comédienne a pu avoir une chaise pour s’asseoir devant.
– Comment sais-tu que c’est son grand-père ?
– Je le sais.
A vrai dire, il ne fallait pas de grands pouvoirs de divination au Sicilien que je suis pour reconnaître l’un des siens dans l’homme qui se tenait assis droit sur sa chaise, raide comme pour une cérémonie : cette stature, ce visage un peu austère, ce souci d’être habillé comme il faut, avec un costume gris et une cravate foncée, cet air digne qu’ont les vieux de là-bas…
Je disposais d’un autre indice de taille, avec l’un des papiers pliés en deux que notre guide nous avait distribués à l’entame de notre parcours, en guise de programme. Un papier porteur d’un point rose, comme le ballon qui signalait la présence – à un bout de la place Saint-Paul à Liège – de la comédienne Emilie Franco autour de laquelle nous faisions cercle. « Le grand-père d’Emilie a fui la misère pour trouver un emploi ailleurs », lit-on sur ce feuillet. Ce nonno était cordonnier en Sicile; il est devenu mineur dans un charbonnage liégeois. C’est son histoire que nous allions découvrir.
Une jeune femme seule, sur un bout de place. Pour tout équipement, la comédienne dispose d’un micro relié à un ampli portable et un présentoir à images, en l’occurrence un fil tendu. Magie du théâtre, grâce à laquelle un espace quelconque peut se transformer pour un temps en plateau, en chambre d’imaginaire, en cercle intime capable d’exclure de son enceinte tout l’environnement extérieur : passants pressés, voitures, agitation urbaine.
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