« On pourrait être surpris » (entretien avec Serge Aimé Coulibaly)

Suite de notre série consacrée aux défis de la diversité culturelle (en préambule à la sortie du #133 à l’automne prochain) : entretien avec Serge Aimé Coulibaly, dont le spectacle « Kalakuta Republik » est présenté au Festival d’Avignon et en tournée estivale.

Comment définiriez-vous votre travail de création artistique, envisagé à l’aune de la « diversité culturelle » ? Et que revêt selon vous ce terme devenu d’usage courant au sein des institutions culturelles ? 

Dans le cadre de la création artistique, le terme diversité culturelle met plus en lumière le conservatisme des institutions culturelles, la complexe gestion de l’héritage colonial, et la déconnexion qu’il y a entre la réalité des grandes villes belges par exemple (Bruxelles, Anvers, Liège etc.) et la fixation passéiste que les institutions culturelles se font de ces villes. Continuer la lecture « « On pourrait être surpris » (entretien avec Serge Aimé Coulibaly) »

D’imperceptibles voix

Entretien avec Azade Shahmiri à propos de « Voicelessness », Kunstenfestivaldesarts 2017.

Une scène sobre partagée en deux par un grand écran sur lequel des images de montagnes enneigées sont projetées ; deux femmes, mère et fille, de chaque côté, dialoguent, essayant de reconstituer un crime qui a entraîné la mort du père. Elles cheminent virtuellement, l’une étant dans le coma (la mère), l’autre cherchant des réponses dans le passé pour pouvoir vivre le présent et appréhender le futur. Pouvoir vivre pour l’une, pouvoir mourir pour l’autre. Leurs voix se font écho dans un jeu de miroir entrainant le spectateur dans leurs projections mentales et dans leur désir d’entendre la voix de l’absent, de la vérité, de la mort. Silence et résonances. Continuer la lecture « D’imperceptibles voix »

Ascanio Celestini, subjectif, indirect, libre

À l’occasion de la reprise de Discours à la Nation de David Murgia et Ascanio Celestini au Théâtre National, nous reprenons ici un extrait de ce texte paru dans le #120 « Les théâtres de l’émotion ».

La langue utilisée par Celestini, un italien régional romain, est l’expression de son identité personnelle mais c’est aussi la voix d’une communauté. En Belgique, il est « traduit » en direct par Patrick Bebi. Ensemble, ils ont développé une façon unique de faire passer d’une langue à l’autre, en direct, un texte. Ses spectacles en partie improvisés ne peuvent se plier aux surtitrages :

« Je  n’apprends pas un texte par cœur, je me le remémore à chaque fois. Je le raconte avec mes mots à moi. Je les dis avec ma voix, mon corps, ma barbe. » Continuer la lecture « Ascanio Celestini, subjectif, indirect, libre »

« Nous vivons tous dans l’histoire même si nous n’en habitons que la périphérie »

À l’occasion de la création de « Laïka », nous publions l’entretien avec Ascanio Celestini réalisé et traduit par Laurence Van Goethem en août 2016, initialement publié dans le #130 d’Alternatives théâtrales, « Ancrage dans le réel »

Le dernier spectacle d’Ascanio Celestini, Laika, se situe à la lisière de l’humanité, là où de singulières figures évoluent dans un monde farfelu, marginal, inassimilable. Accompagné sur scène par l’accordéoniste Gianluca Casadei, Celestini porte la voix de ce monde-là à travers un narrateur principal, un faux aveugle alcoolique, mi prophète mi fou, qui dialogue avec un « Pierre » dont la voix (enregistrée) est celle de l’actrice italienne Alba Rohwacher¹. Continuer la lecture « « Nous vivons tous dans l’histoire même si nous n’en habitons que la périphérie » »

Faire le trottoir sur le plateau

À propos de « Looking for the putes mecs », d’Anne Thuot et Diane Fourdrignier.

Alors que je me trouve à Téhéran, je ne peux m’empêcher de repenser à ce spectacle vu à La Balsamine (Bruxelles) récemment. Anne Thuot et Diane Fourdrignier y investiguent notre rapport au désir et à la sexualité avec une insolence salutaire. Lors d’une soirée d’anniversaire sans doute bien arrosée, elles se sont mis en tête de se trouver un prostitué, un homme, pour elles. Continuer la lecture « Faire le trottoir sur le plateau »

Éthique de la sollicitude

À propos de « Take Care » de Noémie Carcaud au Théâtre de la Vie

Le théâtre de la Vie est le seul théâtre à Bruxelles où l’on ne se sent pas (trop) gênés d’arriver trempés de bruine automnale, de s’asseoir dans les gradins l’imperméable roulé en boule aux pieds, élastiques de vélo fluo aux chevilles et, pourquoi pas, bébé sous le coude, comme, ce soir-là, un couple à côté de moi. Continuer la lecture « Éthique de la sollicitude »

La Convivialité, valeur ajoutée

Quand on connait la grammaire critique (et iconoclaste !) de Marc Wilmet, éminent linguiste, qui a donné sans conteste l’un des cours les plus intéressants du cursus en Langues et littératures romanes de l’ULB (Université Libre de Bruxelles), on ne peut rater La Convivialité, spectacle dont le visuel est un marteau, à l’image des règles orthographiques martelées depuis la tendre enfance (Viens mon chou, mon bijou, mon joujou, sur mes genoux, et jette des cailloux…). Continuer la lecture « La Convivialité, valeur ajoutée »

Un pacte secret pour douze écervelés

Troisième volet du texte « Mythiques mystiques » publié dans le n°129 « Scènes de femmes – Écrire et créer au féminin » (parution le 11 juillet)

« Chaque année, en France, 216 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur ancien ou actuel partenaire intime (mari, concubin, pacsé, petit-ami…). Il s’agit d’une estimation minimale. En 2014, le nombre total de femmes tuées dans le cadre de violences au sein du couple s’élève à 134. » (source : Ministère des droits des femmes / stop-violences-femmes.gouv.fr)

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La communauté des croyants

À propos de « Lehman Trilogy » au Rideau de Bruxelles

Le rideau s’ouvre sur la très belle scéno de Daniel Lesage où des objets hétéroclites s’empilent à l’air libre et forment autant d’histoires intimes que de symboles renvoyant à la grande Histoire, celle de l’Amérique d’avant la guerre civile, un monde sur fond de mississipi blues qui nous emmène (en diligence) à la suite des frères Lehman, traverser ce rêve américain où tout est permis : un immigré juif, débarque, du fin fond de sa Bavière natale, aux USA, ouvre avec ses deux frères à Montgomery (Alabama) un magasin de tissus qui deviendra, en quelques générations, un empire financier planétaire presque immortel.

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Hommage aux femmes non rééducables 

Mémorandum théâtral sur Anna Politkovskaïa de Stefano Massini.

Alors que Lorent Wanson s’apprête à monter, au Rideau de Bruxelles, le très ambitieux Lehman Trilogy que nous avons évoqué dans le n°126-127 d’Alternatives théâtrales, Michel Bernard vient de terminer les représentations au Centre culturel des Riches claires de Femme non rééducable, un autre opus, plus ancien mais ô combien d’actualité, de Stefano Massini.

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