Une conversation avec le metteur en scène zurichois Thom Luz a de grandes chances de porter en fin de compte sur les différents modèles de machines à fumée, liquides appropriés et autres brouillards artificiels. Spécialiste de la question et collectionneur de ces engins à brasser de l’air, le metteur en scène formé à Zurich et aujourd’hui résident du Theater Basel en connait toutes les possibilités et les variantes – et en effet la fumée a une place importante dans ses créations, au même titre que la musique, omniprésente et interprétée en scène.
L’un de ses plus récents spectacles, Girl from the fog factory (2018), se passe d’ailleurs dans une usine de fabrication de ces machines – une entreprise dont les employés doivent redoubler d’inventivité pour relancer les ventes en produisant des nuages inattendus, accompagnés par des musiciens embauchés pour l’occasion. Ils n’y parviendront visiblement pas, le spectacle se finissant sur un paysage brumeux et mélancolique évoquant un espace à l’abandon.

Patience camp, sa première mise en scène à Bâle en 2007, relatait déjà un échec. Le récit de la tentative de traversée de l’Antarctique par Sir Shackleton en 1913 et de l’attente de l’équipage dans le navire bloqué par les glaces était restitué par quatre comédiens avec des moyens sommaires – une porte sur roulette, un harmonium mobile, une vieille carte du monde, une guitare, une machine à neige et trois tréteaux simples en bois. Au rêve de l’explorateur finalement contraint de revenir sans être parvenu à réaliser son exploit, et à l’attente de l’équipage dans le navire avant le renoncement, correspondait la tentative modeste mais ardemment vécue des acteurs à restituer ensemble le récit, toujours visiblement à la limite de l’échec eux aussi. Ce premier spectacle posait les bases de ce qui fait encore le théâtre de Luz aujourd’hui : une scène essentiellement vide accueillant des éléments de décor mobiles – portes sur roulettes, piano ou harmonium, échelles ou machines de technique de théâtre (grue, nacelle…), lampes mobiles variées, machines à fumée utilisées par les comédiens… et le plus souvent quatre ou cinq interprètes qui sont aussi bien acteurs, chanteurs que musiciens s’adressant frontalement aux spectateurs pour partager le récit d’une aventure improbable.