A Philippe

Hommage

A Philippe

Le 21 Fév 2022
Philippe van Kessel
Philippe van Kessel
Philippe van Kessel
Philippe van Kessel

Le décès de Philippe van Kessel a pro­fondé­ment affec­té le monde du théâtre en Bel­gique et au-delà.

Les nom­breux hom­mages parus dans la presse et sur les réseaux soci­aux témoignent du rôle émi­nent que Philippe a joué dans la vie théâ­trale belge et inter­na­tionale, mais aus­si de ses pro­fondes qual­ités humaines.

Il a depuis le début été lié à la vie d’Alternatives théâ­trales. Mem­bre du pre­mier comité de rédac­tion de la revue, celle-ci a ren­du compte de son tra­vail, de ses posi­tions, de son engage­ment tout au long des années où il a exer­cé les métiers du théâtre comme acteur, met­teur en scène, péd­a­gogue, ani­ma­teur et directeur.

Philippe a per­mis aus­si, à plusieurs repris­es, par son réseau de rela­tions, que d’importants finance­ments publics et privés soient con­sacrés à nos pub­li­ca­tions.

En atten­dant que la revue donne un éclairage sur l’aventure artis­tique menée par Philippe Van Kessel — et son impor­tance dans la créa­tion théâ­trale belge depuis les années 1970 où il fit ses pre­mières armes jusqu’aux années 2000 où il dirigea le Théâtre Nation­al, voici des extraits de l’introduction au numéro spé­cial pub­lié par Alter­na­tives théâ­trales en en 2007 (1) qui fai­sait le bilan de ses quinze années de direc­tion (1990 – 2005)

"Le courage de ma mère" de George Tabori, mise en scène de Philippe van Kessel. Photo Marie-Françoise Plissart
“Le courage de ma mère” de George Tabori, mise en scène de Philippe van Kessel. Pho­to Marie-Françoise Plis­sart

Quand Philippe van Kessel arrive aux com­man­des du Théâtre Nation­al, il jouit d’une grande expéri­ence. Comme met­teur en scène, par­ti­c­ulière­ment du réper­toire alle­mand con­tem­po­rain, il s’est tis­sé un réseau de rela­tions dans les maisons de la cul­ture et foy­ers cul­turels de Wal­lonie, mais aus­si en France où il a beau­coup tourné. Il a créé une com­pag­nie et inven­té un lieu théâ­tral où le pub­lic béné­fi­cie d’un accueil chaleureux. En démé­nageant son théâtre de la petite salle de la rue Sainte-Anne aux espaces plus vastes de la rue des Tan­neurs, il a été con­fron­té à des prob­lèmes tech­niques et scéno­graphiques qui l’aideront dans sa prise en charge du théâtre de la Tour Rogi­er. A côté de ses mis­es en scène pro­pres, il a aus­si assuré à l’Ate­lier Sainte-Anne une pro­gram­ma­tion de sai­son, ce qui lui per­me­t­tra de trou­ver un bon équili­bre dans celle qu’il aura en charge au Théâtre Nation­al.

Pour toute une généra­tion qui, depuis une ving­taine d’an­nées, attend que le Théâtre Nation­al devi­enne à la fois une référence et un inter­locu­teur, la nom­i­na­tion de Philippe van Kessel sus­cite un immense espoir.

D’emblée on s’aperçoit que, s’il a con­science d’être à la tête d’une insti­tu­tion avec les con­traintes et les respon­s­abil­ités que cela implique, il ne renie pas son engage­ment pour un théâtre con­tem­po­rain ancré dans les ques­tions poli­tiques, sociales et artis­tiques. C’est avec audace et courage qu’il ouvre sa pre­mière sai­son en met­tant en scène deux pièces de Hein­er Müller : Ger­minia Mort à Berlin et La Bataille.

Mal­gré le hand­i­cap majeur dont il hérite (le rem­bourse­ment de 90 mil­lions de francs belges — soit l’équiv­a­lent de 2.231.000 € de dettes qu’il parvient à assur­er en 5 ans), il met­tra un point d’hon­neur à garder auprès de lui l’équipe tech­nique et admin­is­tra­tive du théâtre, et parvien­dra au cours du temps à insuf­fler un esprit mai­son empreint d’at­ten­tions et de sol­i­dar­ité…”

“Yan­nick Man­cel, qui sera un infati­ga­ble spec­ta­teur des réal­i­sa­tions théâ­trales qui se créent dans les années 1990 à Brux­elles et en Wal­lonie. Grand con­nais­seur de l’his­toire du théâtre, cri­tique et lecteur avisé, Yan­nick Man­cel sera un con­seiller artis­tique exem­plaire…”

“Philippe van Kessel est par­venu à don­ner au Théâtre Nation­al une véri­ta­ble enver­gure inter­na­tionale. Par la présen­ta­tion d’une série de spec­ta­cles invités dans le cadre de ce qu’il bap­tise “Grande Scène d’Eu­rope”, il per­met au pub­lic d’aller à la ren­con­tre de met­teurs en scène qui auront mar­qué la fin du XX° siè­cle : Ben­no Besson, Didi­er Bezace, Luc Bondy, Stéphane Braun­schweig, Lev Dodine, Declan Don­nelan, Alain Françon, Brigitte Jacques, Matthias Lang­hoff, Jacques Las­salle, Georges Lavau­dant, Denis Mar­leau, Sil­vio Pur­carete, Claude Stratz, Bob Wil­son, …

Lorsque la con­fi­ance s’in­stalle, c’est tout un chem­ine­ment qui se des­sine, comme ce fut le cas avec Jean-Claude Berut­ti et avec Jean-Marie Vil­légi­er, dont les mis­es en scène de Corneille sont restées gravées dans les mémoires enchan­tées des spec­ta­teurs mais aus­si dans celles des acteurs du Théâtre Nation­al pour qui ce fut un nou­v­el appren­tis­sage du vers clas­sique et de l’u­nivers baroque.

Cette fenêtre ouverte sur l’ex­térieur ne se fai­sait pas au détri­ment de notre pat­ri­moine d’au­teurs. Mal­gré ses mis­sions et respon­s­abil­ités de pre­mière scène de la Bel­gique fran­coph­o­ne, le Théâtre Nation­al de Jacques Huis­man avait été plus que frileux. Grâce à la poli­tique volon­tariste de Philippe van Kessel, on ver­ra se créer sur la scène du TNB des pièces d’Ed­dy Devold­er, Paul Edmond, Michèle Fabi­en, René Kalisky, Jean Lou­vet, Pierre Mertens, Jean-Marie Piemme, Patrick Rogiers, …

Étran­glé au début de son man­dat par les prob­lèmes financiers et affaib­li à la fin de celui-ci par le démé­nage­ment pro­vi­soire du théâtre dans les locaux peu adap­tés du Ciné­ma Palace, Philippe van Kessel, tout en met­tant son théâtre à la dis­po­si­tion d’autres créa­teurs belges et étrangers, est par­venu à pour­suiv­re son activ­ité de met­teur en scène. Fidèle à son réper­toire alle­mand de prédilec­tion, il s’aven­tur­era avec bon­heur dans d’autres univers aus­si dif­férents que le théâtre élis­abéthain ou les pièces de Labiche ou Maïakovs­ki. Il fit décou­vrir à son pub­lic un immense auteur, George Tabori, dont il créa en langue française Le Courage de ma mère. Lors des répéti­tions de cette pièce, il vécut lui-même un épreuve per­son­nelle ter­ri­ble… Or, si pour Tabori “dire la vérité est une souf­france”… “l’hu­mour est une bouée de sauve­tage”. C’est sans doute pour cette rai­son que ce spec­ta­cle restera gravé comme un man­i­feste de résis­tance au mal­heur.

On ne peut oubli­er la fidél­ité que Philippe a témoigné au cou­ple Michèle Fabi­en — Marc Liebens dont l’œuvre croisée a pu trou­ver sur la scène du Théâtre Nation­al sa véri­ta­ble ampleur. Spec­ta­cle phare, Amphytri­on de Kleist mis en scène par Liebens dans l’adap­ta­tion de Michèle Fabi­en a rassem­blé durant trois saisons un pub­lic de tous les âges et de toutes les orig­ines sociales, et restera une des expéri­ences intel­lectuelles et sen­si­bles les plus fortes de la péri­ode van Kessel. Comme aus­si le Rwan­da 94 du Groupov et Jacques Del­cu­vel­lerie : par la présen­ta­tion de ce spec­ta­cle fleuve, le Théâtre Nation­al affir­mait la fonc­tion éthique du théâtre.


Le théâtre Nation­al 1985 – 2005 Les mou­ve­ments d’une his­toire, ouvrage hors-série de la revue Alter­na­tives théâ­trales, Brux­elles 2007.

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Bernard Debroux
Écrit par Bernard Debroux
Fon­da­teur et mem­bre du comité de rédac­tion d’Al­ter­na­tives théâ­trales (directeur de pub­li­ca­tion de 1979 à 2015).Plus d'info
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