De Paris à Bruxelles

Depuis 1979, comme l’a souhaité Bernard Debroux en fondant notre revue, le comité de rédaction d’Alternatives théâtrales est bi-national. Une partie de notre équipe vit en France, l’autre en Belgique et, concrètement, c’est à Paris et à Bruxelles que la majorité d’entre nous travaillons et habitons.

Le 13 novembre dernier, les Bruxellois de notre rédaction ont tremblé pour les Parisiens. Ce 22 mars, ce fut l’inverse. Comme tant d’autres…

Et, comme tant d’autres, nous sommes meurtris, effrayés, ulcérés.

Comme tant d’autres, à Bruxelles comme à Paris, cela fait longtemps que nous ne prenions plus le métro sans une arrière-pensée, sans une appréhension, mais que nous nous forcions néanmoins à continuer à le prendre.

À notre modeste échelle, en nous rendant dans les salles de spectacles, en tâchant de promouvoir un travail de création lucide, ouvert et généreux, en préparant ce numéro 128 à paraître, consacré aux alternatives théâtrales d’aujourd’hui, nous pensons oeuvrer à la création de liens, à encourager les lieux d’intelligence collective et d’émotions justes, de mixité sociale et d’émancipation.

Et, aujourd’hui, déboussolés, démunis, nous nous demandons comment désormais le faire davantage encore, comment le faire plus fort, comment le faire mieux…

Comme tant d’autres.

Journal d’une dé-génération

Depuis le 17 mars dernier, Stéphane Arcas (plasticien, auteur et metteur en scène) reprend son spectacle « Bleu Bleu » au Théâtre Varia (Bruxelles) et le déclinera bientôt sous forme d’exposition au Printemps de Septembre (Toulouse).
Journal de création, 20 ans après le début de l’écriture du texte. Épisode 4/4.

Ce soir c’est la dernière représentation de Bleu Bleu de cette reprise au Théâtre Varia.

En toile de fond pendant la première semaine de la reprise, il y a eu la fusillade à Forest puis l’arrestation de Salah Abdeslam.

On a même plaisanté et fait une photo comique de Michel Cloup, le musicien du spectacle, le jour de la sortie des deux pages qui lui étaient consacrées dans Libération.

Puis cette dernière semaine a commencé dans le chaos des attentats de l’aéroport de Zaventem et de la station de métro Maelbeek ce 22 Mars.

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« La taille du projet correspond à la taille de mon angoisse »

Entretien avec Yan Duyvendak réalisé par Sylvie Martin-Lahmani, à propos de « Sound of music », du 26 au 28 mars au 104 (Paris).

Après Please, Continue (Hamlet) (création 2011), le performeur suisse Yan Duyvendak présente Sound of Music à Paris. Un cauchemar qui rend heureux, un divertissement qui fait réfléchir, une flamboyante comédie musicale qui parle de chômage et de réchauffement climatique… Phénomène spectaculaire anti-crise, Sound of Music est conçu avec le poète-philosophe Christophe Fiat, les chorégraphes Olivier Dubois et Michael Helland, et le compositeur Andrea Cera. Créé au Festival de la Bâtie à Genève, en 2015, Sound of Music est présenté au CentQuatre-Paris les 26, 27 et 28 mars 2016.  Il y est question de la crise et de ses retentissements, des écarts qui se creusent dans la société. Dans cet entretien, Yan Duyvendak revient sur son processus d’écriture et de création, sur son choix – paradoxal ou au contraire très brechtien – de recourir à un genre considéré comme léger ou « divertissant¹ », pour traiter un sujet grave…

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Jour de l’attentat

« Accents toniques » est un recueil de notes, la plupart inédites, rédigées depuis 1973 par Jean-Marie Piemme. Extrait 10 : note de 2015.

– JOUR DE L’ATTENTAT. J’étais à Albi le jour de l’attentat contre Charlie Hebdo, dans une rencontre avec le public. Alors est venue (forcément) la question : que peut l’écriture contre cela ? À quoi j’ai répondu par une phrase de Brecht extraite de son Journal de Travail. Le 16 septembre 1940, à l’issue de la bataille d’Angleterre, alors qu’il est occupé à écrire sa pièce, il note : « Puntila ne me concerne presque en rien, la guerre en tout ; je peux presque tout écrire sur Puntila, rien sur la guerre. Je ne pense pas seulement au « droit » décrire, je pense réellement aussi à la « capacité » d’écrire. Il est intéressant de voir comment la littérature est reléguée en tant que praxis, à une telle distance du centre des événements dont tout dépend. » Continuer la lecture « Jour de l’attentat »

La vérité cachée sur les personnages de Bleu Bleu

… ou l’exercice casse gueule de l’écriture à la première personne du pluriel !
Du 17 au 25 mars, Stéphane Arcas (plasticien, auteur et metteur en scène) reprend son spectacle « Bleu Bleu » au Théâtre Varia (Bruxelles) et le déclinera bientôt sous forme d’exposition au Printemps de Septembre (Toulouse).
Journal de création, 20 ans après le début de l’écriture du texte. Épisode 3/4 par Manuel Pomar, directeur du Lieu Commun (Toulouse), et qui a inspiré l’un des personnages du spectacle.

Depuis 1990, Stéphane Arcas et moi sommes amis, nous nous sommes rencontrés lors de notre entrée aux Beaux-Arts de Toulouse. C’est dans ce lieu que les personnages de Bleu Bleu se sont reconnus. A suivi une période intense, de travail, de fêtes et d’amitié, pendant ce qui furent nos années de formation. Je ne parle pas d’études, nous n’avons pas du tout abordé cette période sous cet angle.

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Marco Pantani, parole d’honneur

À propos de « Pantani » du Teatro delle Albe 

Marco Pantani. Ce nom vous dit peut-être quelque chose. C’était le nom d’un champion de cyclisme. Moi-même, qui ne suis pas spécialement fan de vélo, j’en avais entendu parler.

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Journal d’une génération (2)

Du 17 au 25 mars prochain, Stéphane Arcas (plasticien, auteur et metteur en scène) reprend son spectacle « Bleu Bleu » au Théâtre Varia (Bruxelles) et le déclinera bientôt sous forme d’exposition au Printemps de Septembre (Toulouse).
Journal de création, 20 ans après le début de l’écriture du texte. Épisode 2/4.

Mars 2016. Ce matin je suis connecté sur Facebook et au milieu de mon fil d’actualité, je vois deux yeux bleus qui me glacent le sang. Deux yeux saillants bleus, très bleus qui surgissent du passé. J’ai, l’espace d’une seconde, du mal à y croire mais, si, ce sont bel et bien eux.

Et c’est pour le coup encore une histoire de générations.

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Entre greffes et réécritures tchekhoviennes

Thomas Ostermeier s’est imposé comme l’artiste à même de ramener à la modernité les pièces d’Ibsen auxquelles il a fait subir un traitement particulier, aussi bien au niveau du traitement scénique que textuel. Pour La Mouette dont il vient d’y avoir la première au Théâtre Vidy – Lausanne, il opte pour un procédé similaire sans qu’il trouve, à mon avis, une même pertinence. Il intègre les références les plus immédiates de notre actualité –  la Syrie, les migrants – en opérant des insertions qui visent, évidemment, à rapprocher l’oeuvre du contexte contemporain. Continuer la lecture « Entre greffes et réécritures tchekhoviennes »

Trois notes sur Tchekhov

« Accents toniques » est un recueil de notes, la plupart inédites, rédigées depuis 1973 par Jean-Marie Piemme. Extrait 9 : notes non datées autour de Tchekhov (plusieurs périodes).

LA MOUETTE N’EST PAS UNE PIÈCE DE L’AMOUR CONTRARIÉ, comme on l’avance parfois un peu simplement. Ce n’est pas une tragédie de la passion amoureuse. Treplev ne se suicide pas parce qu’il a perdu Nina et celle-ci ne trouve pas le bonheur avec Trigorine. Ces échecs les marquent au fer rouge, mais le moteur de leurs actes est à chercher dans la nécessité où la vie les place d’avoir à franchir la distance qui sépare l’illusion de la réalité. Continuer la lecture « Trois notes sur Tchekhov »

Journal d’une génération

Du 17 au 25 mars prochain, Stéphane Arcas (plasticien, auteur et metteur en scène) reprend son spectacle « Bleu Bleu » au Théâtre Varia (Bruxelles) et le déclinera bientôt sous forme d’exposition au Printemps de Septembre (Toulouse).
Journal (rétrospectif) de création, 20 ans après le début de l’écriture du texte. Episode 1/4 : Génération(s).

Grosso modo : à Toulouse en 1992 trois artistes décident de vendre de la drogue pour financer leur production artistique et de faire de ce commerce de stupéfiants une œuvre en soi.

Bleu Bleu est une histoire de générations.

Mais pas d’une génération. C’est pas si simple.

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