Le doux pour le dur

Kunstenfestivaldesarts 17, semaine 1.

Croiser un Syrien dans la rue à Bruxelles n’entraîne aucune réaction particulière. Nous ignorons la nationalité des personnes qui nous entourent ; la multiculturalité de nos rues est un habitus. A contrario, regarder entrer en scène un danseur syrien dont on connaît la nationalité rappelle instantanément qu’il existe au théâtre plusieurs qualités de silence. Celui qui règne dans la Goudenzaal du Beurschouwburg ce soir est d’une intensité palpable. Chaque geste, chaque pas est scruté avec une attention rare par l’audience faisant corps, comme si chaque geste, chaque pas, était capable de dire enfin, mieux que tout autre canal d’information, le vrai de la guerre et de l’exil. Aucun mot et presque pas de musique ; de la précision, des regards choisis, du tact. Une atmosphère cotonneuse malgré les bottes qui s’autonomisent et les drapeaux blancs qui en disent long. Pas besoin d’agresser la salle pour évoquer le vrai de l’horreur, en somme. Continuer la lecture « Le doux pour le dur »

Cachalot viral

En mai 2015, à l’occasion des vingt-cinq ans de la compagnie, Transquinquennal lançait un grand plébiscite théâtral : les spectateurs du Théâtre de Liège étaient invités à choisir parmi sept textes lequel serait mis en scène par le collectif en novembre 2015. C’est « Moby Dick (en répétition) » d’Orson Welles (d’après Herman Melville) qui s’est imposé par les suffrages. Journal de création, épisode 4/4 : notes de travail, par Marie Szersnovicz, scénographe du spectacle.

16 novembre.

Résultat du vote d’ « À vous de choisir » : Moby Dick a gagné.

Je n’ai pas voté pour cette pièce. Je n’ai jamais lu le livre d’Herman Melville. A priori je ne suis pas très « romans d’aventure du 19e siècle ». Mais j’aime beaucoup Orson Welles, ses plans hypergraphiques, son noir et blanc parfait, son rapport à la fiction. Et j’aime les défis.

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« Je ne suis pas sûr de vouloir encore être ironique. »

En mai 2015, à l’occasion des vingt-cinq ans de la compagnie, Transquinquennal lançait un grand plébiscite théâtral : les spectateurs du Théâtre de Liège étaient invités à choisir parmi sept textes lequel serait mis en scène par le collectif en novembre 2015. C’est « Moby Dick (en répétition) » d’Orson Welles (d’après Herman Melville) qui s’est imposé par les suffrages. Journal de création, épisode 3/4 : notes de travail, par Stéphane Olivier.

Lundi 4 janvier 2016. Théâtre de Liège. Salle de la Grande Main. Moby Dick, répétitions. Noël est passé, et avec l’an neuf nous entamons les deux dernières semaines de travail avant les représentations. La baleine est dans le ventre du théâtre, comme Jonas. Samuel French Inc. nous interdit de changer le titre, nous aurions préféré « Moby Dick »; la fiction de répétition, que Welles a écrite pour introduire sa tentative de théâtraliser le roman de Melville, s’épuise rapidement et à l’usage, nous semble datée. La transposition du roman de Melville est magistrale, la traduction de Daniel joue toute seule ; mais… Nous ne voulons pas jouer à la répétition, même si ce que nous ferons sera nommé comme tel.

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Nos choix

En mai 2015, à l’occasion des vingt-cinq ans de la compagnie, Transquinquennal lançait un grand plébiscite théâtral : les spectateurs du Théâtre de Liège étaient invités à choisir parmi sept textes lequel serait mis en scène par le collectif en novembre 2015. C’est « Moby Dick (en répétition) » d’Orson Welles (d’après Herman Melville) qui s’est imposé par les suffrages. Journal de création, épisode 2/4 : le processus de sélection du texte, par Miguel Decleire.

Au départ du projet, il y a cette envie de marquer un anniversaire sans faire de commémoration. Marquer le temps, mais autrement qu’en se tournant vers le passé (ce que je fais pourtant maintenant, en remontant dans mes notes à l’occasion de ce billet…) : en saisissant l’occasion d’en faire le cadre d’un nouveau projet. Et pour ne pas nous mettre en position de recevoir le cadeau (ce qui est un peu indélicat quand on décide de rendre son anniversaire public), c’est nous qui allons le faire : ce sera le choix que nous offrons, pour l’occasion, au public.

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« À vous de choisir… »

En mai 2015, à l’occasion des vingt-cinq ans de la compagnie, Transquinquennal lançait un grand plébiscite théâtral : les spectateurs du Théâtre de Liège étaient invités à choisir parmi sept textes lequel serait mis en scène par le collectif en novembre 2015. Devant Michèle Fabien (« Amphitryon »), Konstantin Kostienko (« Diagnostic : Happy Birthday »), Rafael Spregelburd (« La Modestie »), Mac Wellman (« Sept Pipes »), Thorton Wilder (« Notre Petite Ville ») et Stefan Zweig (« Volpone »), c’est le « Moby Dick (en répétition) » d’Orson Welles (d’après Herman Melville) qui s’est imposé par les suffrages. Journal de création, épisode 1/4 : la pré-production, par Bernard Breuse.

25 janvier 2016

Pour être vraiment pertinent, le journal d’une création devrait se dérouler en temps réel, et rendre compte de l’histoire d’un spectacle au moment où il se construit. En tout cas, de mon point de vue, c’est nettement plus passionnant, puisqu’on ne sait encore rien du résultat, on ne sait rien à ce moment-là, du résultat. Connaître la fin de l’histoire change la manière dont on la raconte, dont on l’entend. Ainsi, à peu près tout le monde sait que le capitaine Achab meurt emporté par le cachalot blanc, et cela change le point de vue qu’on a sur eux et sur la manière dont ils se comportent.
Les six représentations de « Moby Dick en répétition » d’Orson Welles ont donc été jouées au Théâtre de Liège du 17 au 23 janvier 2016 et j’avoue, je n’ai tenu aucun journal pendant les répétitions. Et je me rends compte que mes notes sont très parcellaires. En fait, tout a déjà disparu, et il ne me reste plus que des souvenirs pour documenter la chose. Mais peut-on s’y fier ?

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