D’imperceptibles voix

Entretien avec Azade Shahmiri à propos de « Voicelessness », Kunstenfestivaldesarts 2017.

Une scène sobre partagée en deux par un grand écran sur lequel des images de montagnes enneigées sont projetées ; deux femmes, mère et fille, de chaque côté, dialoguent, essayant de reconstituer un crime qui a entraîné la mort du père. Elles cheminent virtuellement, l’une étant dans le coma (la mère), l’autre cherchant des réponses dans le passé pour pouvoir vivre le présent et appréhender le futur. Pouvoir vivre pour l’une, pouvoir mourir pour l’autre. Leurs voix se font écho dans un jeu de miroir entrainant le spectateur dans leurs projections mentales et dans leur désir d’entendre la voix de l’absent, de la vérité, de la mort. Silence et résonances. Continuer la lecture « D’imperceptibles voix »

Le doux pour le dur

Kunstenfestivaldesarts 17, semaine 1.

Croiser un Syrien dans la rue à Bruxelles n’entraîne aucune réaction particulière. Nous ignorons la nationalité des personnes qui nous entourent ; la multiculturalité de nos rues est un habitus. A contrario, regarder entrer en scène un danseur syrien dont on connaît la nationalité rappelle instantanément qu’il existe au théâtre plusieurs qualités de silence. Celui qui règne dans la Goudenzaal du Beurschouwburg ce soir est d’une intensité palpable. Chaque geste, chaque pas est scruté avec une attention rare par l’audience faisant corps, comme si chaque geste, chaque pas, était capable de dire enfin, mieux que tout autre canal d’information, le vrai de la guerre et de l’exil. Aucun mot et presque pas de musique ; de la précision, des regards choisis, du tact. Une atmosphère cotonneuse malgré les bottes qui s’autonomisent et les drapeaux blancs qui en disent long. Pas besoin d’agresser la salle pour évoquer le vrai de l’horreur, en somme. Continuer la lecture « Le doux pour le dur »

Mais qu’est-ce que c’est ?

À propos de « Fruits of labor », Miet Warlop, création kunstenfestivaldesarts 2016

Miet Warlop est une artiste qui travaille à la croisée du théâtre et des arts plastiques. Dans Mystery Magnet, elle construisait une fresque progressive au gré des matières et de ses propres interprètes. Elle nous revient avec une performance qui tient à la fois du concert pop-rock et de l’installation vivante. Un parallélépipède blanc occupe le centre et y reçoit autant les banderilles mortelles du torero qu’il sert de support à un étrange Christ en croix… Pendant ce temps, les percussions développent leur propre concert, les plafonds dégoulinent et les performeurs alternent entre guitares et batteries pour finir en un délirant cover band ! Pulsé, chatoyant, voyage dans un délire pas si fou qu’il n’en a l’air…

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De la positivité du désastre

À propos de « Time’s journey through a room » de Toshiki Okada au Kunstenfestivaldesarts

En 2011 et 2013, j’ai manqué les trois dernières présentations de Toshiki Okada au Kunstenfestivaldesarts (« The Sonic Life of a Giant Tortoise » et « We are the Undamaged Others » en 2011, « Ground and floor » en 2013). En 2010, excellent cru du festival bruxellois, j’avais assisté à une représentation de « Hot Pepper, Air Conditioner, and the Farewell Speech ». À l’époque, peu enthousiaste, j’en avais écrit ceci sur le blog de Bela qui m’hébergeait alors : Continuer la lecture « De la positivité du désastre »