Scènes de femmes polonaises

À l’occasion du portrait consacré à Krystian Lupa dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, l’Institut Adam Mickiewicz propose une exploration du paysage artistique polonais, en s’intéressant au parcours de cinq « Fatherkillers ». Ces tueuses de pères, pour reprendre l’expression de Piotr Gruszczynski dans son livre sur la scène polonaise à la fin du XXe siècle, sont des metteuses en scène et/ou dramaturges qui comptent aujourd’hui en Pologne. Dans le sillon (mais pas dans l’ombre) de quelques pères de théâtre comme Krystian Lupa ou Krzysztof Warlikowski, ces jeunes femmes ont trouvé un langage artistique personnel et original.

Nous vous invitons à les découvrir les 15 et 16 décembre à la Galerie HUS (Paris), à deux pas du Théâtre des Abbesses.

Jeudi 15 décembre 2016 – 19h-21h

Rencontre organisée par Alternatives théâtrales et la Galerie HUS
Une installation vidéo et audio pour une performance collective méditative.
Avec : Anna Smolar / Magda Szpecht / Mme Curie (incarnée par Curie City) / performeuses Edka Jarząb / Natalia Korczakowska / Stanisława Przybyszewska / Dominika Dymińska et des femmes de Varsovie…
Projet Curie City- incubateur d’art à Varsovie financé par une bourse de la ville de Varsovie. Suivi du verre de l’amitié.

Sur réservation au (+33) 01 40 18 03 70 ou par mail
Participation pour les artistes: 10 euros.
Vendredi 16 décembre 2016 – 16h30/18h30
Rencontre organisée par l’Institut Adam Mickiewicz et Alternatives théâtrales, en collaboration avec la Galerie HUS

Conférence « Fatherkillers »
Projections de photos
En présence de : Anna Karasinska / Magda Szpecht / Anna Smolar / Katarzyna Kalwat / Weronika Szczawinska
Introduction par Joanna Klass
Débat animé par Piotr Gruszczynski et Sylvie Martin-Lahmani (codirectrice d’Alternatives théâtrales). Interpète : Agnieszka Zgieb

Sur réservation au (+33) 01 40 18 03 70 ou par mail

Galerie Hus 4, rue Aristide Bruant 75018 Paris  – Métro Abbesses ou Blanche

À l’occasion de la rétrospective d’un grand artiste, une question s’impose : quelle suite ? Qui viendra après ? Vers où est-il possible d’apercevoir les changements irréversibles à venir ? À l’instar de Borges, nous imaginons le monde comme un jardin que traversent des chemins, qui bifurquent, allant chacun dans une direction différente. Ce que nous présentons aujourd’hui ne constitue qu’une hypothèse, qu’un seul chemin dans le paysage confus qu’est à présent la vie théâtrale. Ou plutôt, de cinq chemins différents. Nous vivons dans une époque où l’histoire dépasse notre imagination. Il ne faut pas avoir peur d’utiliser des mots forts : voilà pourquoi j’ai voulu appeler cette soirée « Fatherkillers », en faisant référence au livre emblématique de Piotr Gruszczyński. Comme Mickiewicz l’a fait dans Les Aïeux ou Shakespeare dans Macbeth, j’invoque les sorcières, et je cite celui qui donne son nom à notre Institut, le grand poète polonais qui écrivait en exil, ici à Paris : « tout est obscurité à présent, tout est sourd, que va-t-il advenir ? Que va-t-il advenir ? »
[Joanna Klass pour l’Institut Adam Mickiewicz]
Si le théâtre existe depuis des siècles, c’est uniquement parce qu’il se nourrit de changements protéiformes. L’approche en termes de générations a été souvent critiquée, elle n’a pas de sens — et pourtant elle en a. En Pologne, les artistes qui ont aujourd’hui pris la parole sont nés assez tard pour n’avoir connu le communisme et Solidarność qu’à travers les manuels scolaires et les récits de famille. Chose bien plus importante encore : pour eux, le capitalisme n’est nullement un paradis rêvé mais un système existant qu’il faut à tout prix critiquer et même contester. De plus, la crise économique permanente en Europe, et la crise de la démocratie qui, ces derniers temps, prend de l’ampleur et se transforme pas à pas en dictature de la majorité, nous obligent à interroger non seulement le contenu des messages artistiques mais également leur forme. L’art se développe en une continuité qui prend les aspects d’un dialogue ou d’une polémique et d’une rupture. J’ignore pourquoi, ces dernières années, dans le théâtre polonais, les femmes ont enfin réussi à s’exprimer. Il y en a toujours eu, mais elles n’ont jamais été aussi nombreuses et fortes ! Elles ont aiguillé les discours vers d’autres voies. Elles ont tué leurs pères, ou tout simplement en ont fui la malédiction, telles des protagonistes shakespeariennes. Chacune à sa façon. Cela vaut la peine de les connaître !
[Piotr Gruszczyński]

Biographie des artistes

Magda SZPECHT
« L’Art, lieu d’une liberté plus grande que nulle part ailleurs. »
Née en 1990, artiste de théâtre, auteure d’installations et de spectacles. Après une formation de metteuse en scène à l’École de théâtre de Cracovie et de journalisme (creative writing) à l’Université de Wrocław, elle met notamment en scène Dolphin_who_loved_me (prix du jury au Festival 100° de Berlin), ainsi que La possibilité d’une île d’après Michel Houellebecq (TR, Varsovie, 2015) et Schubert : composition romantique pour 12 interprètes et un quatuor à cordes (Teatr Dramatyczny, Walbrzych, 2016). Elle est également l’auteure de l’installation-objet Monologue intérieur. Comment atteindre le zen en performant la forêt (Narodowy Teatr Stary de Cracovie, 2016) et de l’installation-performance Pourquoi je ne t’écris pas ?, adaptée des Souffrances du jeune Werther de Goethe (Teatr Osterwa, Lublin, 2016).

Anna KARASIŃSKA
« Je prends soin de faire « agir » mes spectacles plutôt que de les « raconter ». D’en faire des événements qui s’accomplissent ici et maintenant. Je déconstruis la relation spectateur-spectacle-comédien, pour que les gens se voient réellement et entrent en contact les uns avec les autres.
Quand je fais un spectacle, je prévois ce qui doit arriver aux personnes qui y participent, aux spectateurs, et les moyens de l’obtenir. Je ne réfléchis pas au sujet – le sujet n’est qu’un moyen parmi d’autres, une « couverture » pour le mécanisme que je crée.
Je m’intéresse à l’utilisation de l’art comme méthode pour se libérer des contrôles.
J’essaie de maintenir le spectateur en état d’ambivalence, de rire et d’inquiétude. Je mène son intellect en bateau tout du long.
Fissurer l’idée de ce que nous considérons comme réel et évident est le geste le plus puissant pour transformer le monde. »
Née en 1978, elle étudie la mise en scène à l’École de cinéma et de théâtre (PWSFTT Leon Schiller), passe par l’École des Arts plastique Łódź, puis la philosophie. Ses courts métrages reçoivent de nombreux prix dans les festivals internationaux. Son spectacle Ewelina pleure (TR, Varsovie, 2015) est considéré comme le plus important de la saison et le plus primé. Son Spectacle second (Teatr Polski, Poznan, 2016) est encensé par la critique. En novembre 2016, elle réalise L’anniversaire dans le cadre du cycle Micro-théâtre à Komuna Warszawa.

Anna SMOLAR

« Je crée des spectacles car j’ai toujours eu du mal à parler aux gens. Au théâtre ce qui m’intéresse ce sont ces moments où quelque chose se dévoile, quand le jeu cesse d’être du jeu. Mes derniers spectacles ont un caractère documentaire. J’aime observer ce qui se passe lorsque l’acteur commence son travail par une rencontre avec une personne réelle, lorsque le spectacle s’enracine dans la réalité qui nous entoure, dans ce qui nous anime ici et maintenant en tant que collectivité. Je vois la troupe d’acteurs comme le reflet de cette collectivité. Ces derniers temps je propose aux acteurs qu’ils deviennent les co-auteurs du texte. La parole des acteurs m’intéresse, leur sensibilité, leur choix des mots. Ensemble nous cherchons des outils pour un langage personnel, qui invite au dialogue. »
Metteuse en scène franco-polonaise, traductrice. Diplômée de lettres à la Sorbonne. Formation théâtrale au Sudden Théâtre. En 2001, elle crée sa compagnie, Gochka, avec laquelle elle réalise des spectacles jusqu’en 2004.
Parmi ses mises en scène en Pologne, on compte L’Echange de Paul Claudel, L’Etranger de Camus et La Folle de Chaillot de Giraudoux. Elle travaille également au Teatr Nowy de Varsovie et y monte Pinocchio de Joël Pommerat. Son dernier spectacle, L’homme le pire du monde d’après le texte de Malgorzta Halber, a été créé en novembre 2016 à Kalisz. Elle reçoit plusieurs prix, notamment pour son Dibbouk (prix de mise en scène d’une pièce contemporaine 2016) et pour Acteurs juifs (Grand prix du festival Kontrapunkt à Szczecin ; prix pour sa compagnie à Kalisz, 2016). Elle a été assistante à la mise en scène de Krystian Lupa, Jacques Lassalle et Andrzej Seweryn. Au cinéma, elle a travaillé avec Agnieszka Holland et Kasia Admik. Elle a également traduit en français L’amour de pierre, récit de Grazyna Jagielska.

Weronika SZCZAWIŃSKA
« L’artiste devrait savoir reconnaître le moment et la situation dans lesquels il agit, le rapport de forces dans lequel il est pris. L’association des artistes de la Commune de Paris avait raison : la création, c’est l’action commune pour le renouveau, pour la naissance du luxe pour tous, des splendeurs à venir et de la République universelle. Le.a metteur.euse en scène devrait avant tout veiller à la force du message de la pièce et au bien-être de ses collaborateurs. Il n’y a aucune contradiction entre l’individualisme et le sens de la communauté – au théâtre, ils se motivent l’un l’autre. »
Metteuse en scène, dramaturge, diplômée en Sciences humaines à l’Université de Varsovie et de L’École de théâtre. Directrice artistique du Théâtre Boguslawski à Kalisz. Elle travaille en Pologne avec des scènes nationales et des galeries d’art. Elle crée des spectacles, des textes, des installations en collaboration avec Agnieszka Jakimek, Krzysztof Kaliski et Piotr Wawer. Mises en scène : Jackie. La mort et la princesse (Teatr Jarasz, Olsztyn, 2008) ; Comment être aimée (Théâtre Dramatique de la Baltique, Koszalin, 2011) ; RE//MIX Zamkow (Komuna Warszawa, 2012) ; Le génie en col roulé (Narodowy Teatr Stary, Cracovie, 2014) ; Champ d’études : lectures de jeunes filles de Jezyce (Poznan) (CK Zamek, Poznan), Les guerres que je n’ai pas vécues (Teatr Polski, Bydgoszcz, 2015) ; La pornographie de la polonitude tardive (Galeria Labirynt, Lublin, 2015) ; K. ou le souvenir d’une ville (Teatr Boguslawski, Kalisz, 2016).

Katarzyna KALWAT
« L’élément essentiel de mon théâtre est la création de spectacles basés sur un sujet : je relie les installations, la vidéo, la répétition, le concert et l’expérimentation. Cette diversité des moyens d’expression et des formes au sein d’un seul projet a pour but de faire ressortir la controverse, de telle sorte que le spectateur puisse s’approcher au maximum du sujet.
J’explore des histoires humaines réelles. Récemment, j’ai réalisé Holzwege (TR, Varsovie) sur l’œuvre de Tomasz Sikorski, précurseur du minimalisme dans la musique européenne, ainsi que Reykjavik 74′ (Teatr Horzyca, Torun), histoire d’un groupe de personnes qui ont avoué un crime qu’elles n’ont pas commis. Le point de départ de mon travail est toujours un matériel documentaire plein de contradictions. Durant les répétitions, nous nous transformons, avec la dramaturge Marta Sokołowska et les comédiens, en membres d’un groupe de recherche expérimentale et nous menons une sorte d’enquête. Ensuite, devant les spectateurs, nous reconstruisons les événements et les protagonistes. Le processus même de reconstruction a pour but la recherche de la vérité. Pour mes derniers projets, je collabore avec Marta Sokołowska, auteure et dramaturge. Le matériel dramatique est créé à partir des improvisations des comédiens et d’un texte préexistant. »
Formée à la mise en scène à l’École de théâtre de Varsovie et en psychologie à l’Université de Cracovie, elle est boursière du gouvernement français et assistante à la mise en scène auprès de Krystian Lupa (Persona. Marilyn et Persona. Le corps de Simone). Elle met en scène Holzwege au TR de Varsovie en 2016 (Prix de la mise en scène d’une pièce contemporaine). Elle a collaboré également avec Teatr Polski, Teatr Nowy de Poznan et Teatr Juliusz Słowacki de Cracovie.

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