Danses sacrées afro-brésiliennes : Eshou et la communication entre les mondes visibles et invisibles

ENTRETIEN AVEC FANNY VIGNALS, réalisé en visioconférence au Centquatre-Paris, le 23 janvier 2021(1)

José Vincente Gualy Blanco : Nous avons lu la synthèse de votre projet de recherche La Bouche du Monde. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur Eshou et les divinités orishas en général?

Fanny Vignals : On se trouve ici sur une ligne qui vient d’Afrique. Le culte aux orishas a été déplacé au Brésil par les yorubas du Bénin, du Nigeria, du Ghana et du Togo, pendant les vagues d’esclavage des XVIe et XVIIIe siècle. Arrivés au Brésil, ces peuples étaient mélangés à d’autres esclaves, dans le but d’être fragilisés. Les orishas ont donc été rassemblés dans une sorte de famille divine recomposée, qu’on retrouve aujourd’hui dans la religion du candomblé, dans la ligne du candomblé qu’on appelle ketu plus exactement. Les orishas peuvent aussi être présents dans d’autres cultes comme l’umbanda, le quimbanda ou le Tambor de Mina. Chaque orisha correspond à un élément de la nature mais aussi à des mythes et à des traits de caractères spécifiques. En yoruba « orí » c’est la tête, et « sha» est associé à la lumière. Donc l’orisha est comme« la lumière de la tête ». On dit que chaque personne a un orisha « de tête », une divinité qui constitue une partie de son essence, et avec laquelle il est bon de communiquer.

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Le cercle de la violence. Baby Doll, portrait de réfugiées

Propos recueillis par Leyli Daryoush

À l’opéra, en raison du livret, je ne suis pas libre d’écrire l’histoire qui me traverse. Baby Doll[1]est une commande de l’Orchestre de chambre de Paris pour la 250ème année de la naissance de Beethoven. Le choix d’une symphonie du compositeur m’a été accordé et j’ai proposé la 7ème pour en faire une sorte d’opéra pour notre temps.

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Programme Teatro em Comunidades : dix ans de dialogues entre université et favela

Le souvenir de l’après-midi passée avec un groupe d’adolescents à Nova Holanda, l’une des seize communautés qui composent la favela da Maré, reste encore gravé dans ma mémoire. La rencontre a eu lieu en 2010. J’étais accompagnée de quelques étudiants de l’Universidade Federal do Estado do Rio de Janeiro — UNIRIO et le but de notre visite était de discuter avec ce groupe d’adolescents du quartier sur l’idée de mener un projet théâtral avec eux. La proposition a été accueillie avec enthousiasme et, la semaine suivante, nous avons entamé des cours de théâtre dans un espace de l’association Redes da Maré. Surgissait ainsi l’ébauche du programme d’extension universitaire Teatro em Comunidades[1] (Théâtre dans les communautés) qui accomplira, en 2021, une décennie d’existence.

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Cimetière marin, fantômes de l’Occident. Le Vaisseau du bout du monde d’Àlex Ollé

Créée à l’Opéra de Lyon en octobre 2014, la mise en scène du Vaisseau fantôme par Àlex Ollé[1], cofondateur de la compagnie catalane La Fura dels Baus, est portée par une critique politique et sociale trouvant sa synthèse dans une perspective écologique. Le metteur en scène trace avec ce spectacle une voie originale dans l’écocritique du capitalisme mondialisé – champ encore nouveau alors sur les scènes lyriques internationales – contribuant au renouvellement de l’approche de la nature dans le répertoire wagnérien.

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Réparer un territoire, imaginer de nouveaux récits Comment la question écologique travaille les maisons d’opéra

En avril dernier, l’Opéra de Lille a obtenu la certification internationale ISO 20121 qui atteste de ses bonnes pratiques en matière de développement durable : parmi ces pratiques certifiées figurent certes les dons de costumes et de décors déclassés, l’utilisation de matériaux réutilisables, le remplacement du parc des projecteurs par des LED, mais aussi l’engagement de la maison en faveur de la diversité et de l’égalité professionnelles, ses actions artistiques et culturelles, sa politique tarifaire ou encore son ancrage territorial. La variété de ces indicateurs est révélatrice du caractère transversal de la réflexion écologique aujourd’hui.

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Décors et matériaux. Impact environnemental, conception et fabrication, montage, conservation, déplacements, recyclage

Dialogue à plusieurs voix, réalisé par Caroline Godart et Sylvie Martin-Lahmani avec Agathe Chamboredon (La Monnaie, Bruxelles), Sophie Cornet (La Monnaie, Bruxelles), Véronique Fermé (Festival d’Aix-en-Provence), Philippe Sagnes (Opéra National de Lyon) et Valentina Bressan (Opéra national de Paris).

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Métamorphoses du chasseur chassé – Actéon, filmopéra

Actéon – l’histoire d’un homme transformé en bête, puni de sa curiosité, châtié à cause de son voyeurisme. Est-ce un chasseur habile, un voyeur lubrique, ou pourrait-il être considéré comme une métaphore de notre société, prise à son propre piège ? Ce mythe raconté par Ovide dans ses Métamorphose a été mis en musique par Marc-Antoine Charpentier en 1684 dans des circonstances très particulières.

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En compagnie de Guy Cassiers et Katelijne Damen

Cet entretien aurait dû paraître l’année passée avec la sortie de la revue #141 « Images en scène » mais le Covid en a décidé autrement.

À l’occasion des répétitions de Tirésias en mars 2020 et à quelques jours d’un premier confinement, Guy Cassiers et Katelijne Damen nous accordent un entretien qui dévoile quelques secrets de leur complicité au travail.

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L’Inondation, de Francesco Filidei et Joël Pommerat, au prisme de l’écoféminisme.

J’ai vu L’Inondation lors des représentations de l’automne 2019 à l’Opéra Comique. Je ne suis pas du tout spécialiste de Pommerat mais j’admire son travail. Là encore, je suis saisie par la beauté, la clarté de la mise en scène, son intelligence, aussi. Toutefois, je suis gênée. Gênée en tant que femme à qui l’on présente des personnages féminins stéréotypés merveilleusement incarnés, et en tant que spectatrice de théâtre face à une œuvre qui joue sur l’effet de réel pour présenter ce qui arrive (les éléments de la fiction) comme inéluctable. Je sors du spectacle enchantée par la musique et comme piquée par un taon, fascinée, meurtrie et plombée. Revenir sur L’Inondation deux ans après, ayant pris connaissance de ce qu’il se passait chaque soir sur le plateau, et auparavant durant les répétitions, par l’une des actrices principales du drame, me jette dans un trouble profond.

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Aïda par Lotte de Beer : un espace cosmopolitique

Le compositeur romantique italien, Giuseppe Verdi (1813-1901) réalise l’opéra Aïda en 1871, à la suite du percement du canal de Suez, un événement aux enjeux économiques, politiques et environnementaux importants. Il a notamment permis de faciliter les transits de marchandises entre l’Europe et l’Asie, sans contourner l’Afrique[1]. Cette œuvre caractéristique d’une période impérialiste raconte l’histoire d’amour entre Radamès, capitaine égyptien et Aïda, esclave éthiopienne. Celui-ci devra commander les troupes égyptiennes dans la guerre contre l’Éthiopie dont certains habitants sont faits esclaves. L’histoire est marquée par des conflits et des relations de pouvoir entre les peuples africains, qui rappellent l’assujettissement des colonies de l’Europe du XIXe siècle.

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